« Zad partout ! », on en parle aussi à la fac. Cette injonction militante a pris tout son sens lundi dernier lors d’un séminaire à Rennes. Après une enquête de terrain sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes, les étudiants se sont posés la question suivante : Comment les agriculteurs et les nouveaux arrivants s’influencent-ils réciproquement ?

Réunis toute la journée à l’Université Rennes 2, les étudiants du master DYATER (Dynamique et Aménagement des Espaces, Territorialité) ont présentés leurs travaux devant une cinquantaine de personnes.

Pour leur enquête, ils ont posés la question du renouvellement des pratiques agricoles par la rencontre entre deux mondes : les agriculteurs traditionnels et les nouveaux occupants, « néo-ruraux », ou « zadistes » pour marquer l’aspect politique de leur engagement.

Quelles influences , quelles évolutions provoquent cette rencontre à Notre-Dame-Des-Landes ? On se fait expliquer tout ça à la pause café par Nicolas, un étudiant du master. Alors, c’est difficile de faire de la recherche scientifique sur la Zad ?

« On avait peur d’être pris pour des journalistes »

Ce qui réunit occupants et agriculteurs ? D’après l’enquête, la volonté de faire de la paysannerie un support et un enjeu de la lutte. Ceci afin affirmer leur attachement à un territoire et surtout à un mode de vie différent (ou « expérimental » pour les plus pessimistes). En effet, la Zad est aussi un laboratoire d’idées où fleurissent dans la boue de nombreux espaces collectifs pour discuter des modalités de la vie en société. Mais alors, qui influence qui ?

« Beaucoup de Zadistes ont appris des agriculteurs »

Et si c’était finalement le bocage lui-même qui changeait ses occupants par la mémoire du lieu ? On parle beaucoup de la volonté d’en revenir à un souvenir des communaux, ces terres du Moyen-Âge gérés collectivement, avant que le mouvement des enclosures n’établissent barrières, clôtures, haies et routes qui segmente l’espace et le privatise pour le rendre tel que nous le connaissons aujourd’hui. Une méthode sociologique, celle de la « carte mentale », consiste à faire dessiner aux enquêtés la zone et ses alentours, afin de débusquer leur propre représentation de la Zad. Au total, 29 cartes témoignent de l’importance des activités collectives sur la zone pour les occupants. Parmi elles : une bibliothèque gérée collectivement, le « non-marché » qui redistribue les surplus agricoles, une coopérative pour la réparation de machines ou encore des semi-collectifs.

« Il y a certaines zones où les habitants créent un commun, mais à leur échelle, circonstancié à leur groupe et aux valeurs qu’ils défendent »

Carte de la Zad 1

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© photo : promotion DYATER 2016 / 2017 de l’Université Rennes 2.

Les cartes dévoilent des cultures, des lieux de vie, des machines agricoles ou des élevages, validant l’hypothèse selon laquelle c’est bien le travail de la terre en commun et l’attachement au mode de vie ainsi créé, qui permet ce vivre-ensemble. La conséquence de ce foisonnement de rencontres autour de la même activité ? Une accélération de l’esprit critique chez les agriculteurs quant à l’utilisation de certaines pratiques néfastes pour l’environnement, et un retour au paradigme paysan, parfois fantasmé, pour les nouveaux arrivants. Quel qu’ils soient, agriculteurs ou nouveaux arrivants, il s’agit avant tout d’occuper, de cultiver et de résister.

« Renouvellement des pratiques et des représentations de l’agriculture du fait de l’arrivée de nouveaux-velles habitantEs dans le contexte de la résistance au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes » sera présenté dans plusieurs colloques au cours de l’année 2017 ainsi que sur la Zad. Plus d’informations ici, juste là.

Octave Broutard


Radio Parleur avait déjà rencontré ces étudiants lors d’une émission spéciale sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes à l’occasion d’une manifestation en octobre 2016. Pour y revenir, c’est par ici.

Et pour aller encore plus loin, plus haut et plus fort:

_ Loïc Avry, « Analyser les conflits territoriaux par les représentations spatiales : une méthode cognitive par cartes mentales ». Thèse de doctorat, Géographie. Université Rennes 2, 2012.

_ Frédéric Barbe, « La zone à défendre » de Notre-Dame-des-Landes ou l’habiter comme politique », Norois, 238-239, 2016, p. 109-130.

_ Yvon Le Caro, Philippe Madeline et Geneviève Pierre, Agriculteurs et territoires, entre productivisme et exigences territoriales, PUR, coll. « Espaces et Territoires », 2007, 268p.

_ Anne-Laure Pailloux, « Zone d’aménagement différé contre ”zone à défendre”. Analyse d’une lutte pour l’autonomie dans/de l’espace rural », Justice spatiale / spatial justice, n°7 janvier 2015.

_ Philippe Subra, Zones à Défendre, de Sivens à Notre-Dame-des-Landes, éditions de l’Aube, 2016, 120p.