À Brétignolles, le port et la Zad de la Dune

À Brétignolles, le port et la Zad de la Dune

À Brétignolles-sur-Mer (Vendée), la construction d’un port est loin de faire l’unanimité. Des militant·e·s en lutte depuis octobre 2019 ont réussi à faire repousser les travaux jusqu’au printemps. À l’approche des municipales, la “Zad de la Dune” cristallise les tensions dans la petite ville balnéaire 

« Même si Chabot ne veut pas nous on est là. / Pour l’avenir de notre plage et pour ce beau paysage, / même si Chabot ne veut pas nous on est là… On est là… ». Un petit air de chanson s’échappe de la plage de Brétignolles-sur-Mer (Vendée). Près de 200 personnes sont rassemblées, le 11 janvier 2019. Elles s’opposent à la construction d’un port de plaisance de près de 1000 anneaux dans la ville, qui impliquerait notamment la destruction d’une partie d’une dune.

Le projet ne manque pas de soutiens puissants. Parmi ceux-ci, on trouve un certain Christophe Chabot, Maire de Brétignolles, Président de la communauté de communes, et gérant de plusieurs entreprises dans la région. Malgré cela, des militant·e·s ont décidé de faire face tout de même à la bétonisation du littoral. Ils et elles craignent en effet la destruction de la biodiversité : démolir la dune pourrait laisser la voie libre à la mer et aux inondations.

Une tour de guet surplombe le site, pour surveiller les alentours. Photo : Noan Ecerly.

« Un désastre écologique » avancent les uns, « un non sens économique » complètent les autres. Les zadistes, installé·es près de la dune, ne sont pas à l’initiative de cette manifestation. Les habitant·es ne la revendiquent pas non plus. Dans la petite foule, on parle de rassemblement spontané. Le dernier en date a eu lieu le 6 octobre 2019. C’est suite à celui-ci que, lorsque les travaux ont commencé, une Zad s’est créée.

Ce projet, vieux de 2003, n’est pas sans générer des tensions. Comme le relève Jean-Baptiste Durand, le président de la Vigie, première association à s’être constituée pour s’opposer au projet : « On a une commune qui est divisée. Ce clivage a été entretenu et développé par les élus eux-mêmes, qui sont les responsables de discordes au sein des familles. Et je peux vous dire que c’est pas près de se réparer ».

Au marché, la parole verrouillée

Sur le marché du centre-ville, malgré la pluie, les Brétignollai·ses s’affairent autour des stands. En revanche quand il est question du port, les portes se verrouillent. Presque impossible d’obtenir des témoignages, après plus d’une dizaine de demandes.

Finalement, une dame, Joëlle, accepte de se prêter au jeu du micro et détaille sa position : « Le port, c’est atroce. Ça va défigurer notre région, notre plage, tout ce qu’il y a autour de nous, annonce-t-elle. Il y a les gens pour et les gens contre, mais dans le centre de Brétignolles, on ne peut pas dire que pour l’instant ça créé des problèmes […]. Les gens attendent de savoir ce qui va être fait. »

Encore plus difficile de faire parler des pro-port. Un peu plus loin, un groupe de quatre habitant·es décroche quelques bribes de réponse mais hors de question que ce soit enregistré : « On est trop déçu par les médias » annonce l’un. Un autre explique : « On est totalement en faveur du port mais les médias ont trop de partis pris. Et puis la Zad, il faut dégager tout ça. » À quelques mètres du marché, devant le Super U, un étudiant lâche succinctement : « C’est simple, soit c’est le débat qui surgit toujours en repas de famille, soit on en parle pas ».

La Zad de la Dune dans les débats

Zad (Zone à defendre) de Brétignolles sur mer, au début du mois de janvier 2020. Photo : Noan Ecerly.

De manière tout aussi informelle et sans micro, une femme explique : « C’est très compliqué cette question de port, vous savez. Il y a les pro-port et les contre-le-port mais maintenant il y a aussi les pro-port et anti-Zad ; les contre-le-port et pro-Zad ; les contre-le-port mais également anti-Zad… »

Pour certain·es, c’est en raison de l’approche des municipales que les discussions sont fermées. Difficile pour les élu·e·s de soutenir officiellement la Zad sans risquer de perdre des voix. C’est ce qu’explique Jean-Baptiste Durand, de la Vigie : « Le principe est simple pour nous les opposants : si nous changeons de majorité municipale, ce projet sera immédiatement condamné. »

Une résistance en pied depuis octobre 2019

Le 6 octobre 2019, une manifestation est organisée à Bretignolles pour s’opposer à ce projet. Le soir de la mobilisation, qui a rassemblé des centaines de personnes, certain·es décident de ne pas quitter la dune. Une habitante propose alors de prêter son terrain. La Zad est créée. Les cabanes sont montées petit à petit. Celle qui se fait appeler Pirate raconte : « On a eu le soutien de tou·tes les villageoi·ses qui habitent ici, de tous les gens qui étaient en vacances pendant la Toussaint. Ils ont ramené plein de trucs : que ce soit du matos de construction, de la nourriture, tout ce qu’il faut pour que les gens puissent faire un lieu de vie, rester là H24 pour empêcher qu’il y ait le chantier ».

Le midi, un repas collectif est en préparation. Photo : Noan Ecerly.

Début octobre, les tracteurs sont sur place et commencent a attaquer la dune. Les zadistes s’interposent et font reculer les machines. Une première victoire. Le chantier ne devrait pas reprendre avant avril/mai. Les militant·es ont occupé par la suite la ferme de la Normandelière et la Maison de l’Adapei 77 (inoccupée à ce moment). Depuis le 31 décembre, ils et elles avaient également investi un ancien centre de colonie de vacances. Mais le 21 janvier au petit matin, les locaux ont été entièrement détruits, au cours d’une opération d’évacuation encadrée par des gendarmes mobiles.

Convergence des Zad

L’entrée d’un des bâtiments squattés par les zadistes : la maison de l’Adapei 77. Photo : Noan Ecerly.

Le 11 et 12 janvier 2020, plusieurs personnes ont convergé vers la Zad de la Dune. L’appel a été initialement lancé par le collectif Terres Communes (en lutte contre les projets inutiles de l’Ouest et principalement contre la construction d’un Surf Park à Saint-Père-en-Retz). Le but était de réfléchir à l’émergence d’une Inter-Zad, tout en préparant la manifestation du 29 février prochain contre les Grands projets inutiles, qui aura lieu à Nantes.

Nathanaël est membre de l’assocation MakiGo, pour la protection du vivant. Il est venu pour l’événement : « Là, le week end consiste à faire converger les Zad, converger les luttes, en partie mais pas que. On est nombreux, et on peut être parfois tout seul, trop mis à l’écart dans les luttes. Les luttes toutes seules perdent de la force. » Alors, sur la Zad de la Dune, des membres de différents de collectifs (comme le Collectif Villages de la Loire, Collectif Comité Central, NDDL Poursuivre ensemble, UCL Nantes, Alternatiba Rennes…etc) ont discuté et partagé leurs idées. Pour Nathanaël, « l’idée c’est de faire de l’union, de faire du lien, et qu’on arrive à se retrouver et à se voir régulièrement, pour qu’il y ait du brassage, autant d’idées que d’actions. »

Ateliers et cabane non mixte

Des militantes sont en train de fabriquer une cabane en non mixite. Photo : Noan Ecerly.

Profitant de la venue de nouvelles têtes les 11 et 12 janvier, des ateliers ont été organisés, comme la poursuite de la fabrication de la cabane non-mixte. Sur le chantier, une des zadistes explique : « Le but c’est de la construire entre meufs et en minorités de genre. Ce sera un sleeping et un lieu de discussion autour des questions féminisme, du consentement, de l’expérience. Et du coup être plus dans l’intimité, entre nous. » Une planche de bois sur les bras, une de ses camarades ajoute : « Ça permets aussi à plein de nanas d’apprendre à construire une cabane sans qu’on leur prenne les outils des mains ».

Ce week-end était aussi l’occasion pour les habitant·es passer sur les lieux, discuter avec les zadistes et d’apporter leur soutien. Certain·es sont allé·es déposer des sapins sur la dune, pour la consolider. Néanmoins depuis décembre, la venue des forces de l’ordre menace les occupant·es, puisque le Tribunal des Sables d’Olonne a autorisé l’expulsion.

Lors du week end de rassemblement Inter-Zad à Brétignolles, des militant·es vont consolider la dune avec des sapins. Photo : Noan Ecerly.

« Une politique anti-Zad »

À l’entrée de la Zad, plusieurs panneaux contre le port sont affichés. Photo : Noan Ecerly.

Depuis que la Zad de la Dune a été mise sur pied, le dialogue est difficile entre les zadistes et la communauté de communes ou la municipalité. Avec Christophe Chabot, il est quasiment impossible. Ce dernier, PDG d’Akena, entreprise de Vérandas, parmi une vingtaine d’autres, dénonce des troubles à l’ordre public. Pour les « gardien·nes de la dune », une « politique anti-Zad » est menée. Leur détermination reste forte et la devise simple : « Port de Brétignolles = Une Zad. Une Zad = Pas de port. Pas de port = Pas de Zad. »

« Le projet de port sera une aberration en tout point, annonce Victor, sur la zad depuis le début et habitant de la région. Il y a énormément d’espèces protégées, qui tendent à disparaître. Ils comptent éventrer 600m cubes de terres, pour creuser un chenal, détruire la carrière…. Si un projet comme ça a lieu, dans 10, 20 ou 30 ans (ça s’accélère de plus en plus) Brétignolles-sur-Mer sera submergé. »

Des militant·e·s sont en train d’essayer d’allumer une lanterne qu’ils et elles ont fabriqué·e·s, pour la faire voler. Photo : Noan Ecerly.

Une opération d’évacuation sur un lieu secondaire ce mardi

Un hélicoptère qui survole la zone, des camions de gendarmes qui stationnent près de la Zad de la Dune et une pelleteuse. L’objectif : déloger les Zadistes de l’ancienne colonie de France Télécom. Sur son compte Twitter, la préfecture de Vendée a publié un communiqué tôt ce matin :

Mais en arrivant sur place, les gendarmes semblent avoir trouvé les lieux vides et déserts. “On a bien géré, on avait pas l’intention de défendre ce site” sourit Camille, un habitant de la Dune. “Tout ce déploiement pour rien, c’est un peu ridicule. On a eu l’information la veille. Etant donné que c’est à 1km de la Zad, on a ramené hier soir les dernières choses qui étaient à l’intérieur”. Le bâtiment a été partiellement détruit en fin de matinée.

Sollicité par Radio Parleur, Christophe Chabot a refusé donner suite à notre demande d’entretien.

 

Un reportage réalisé par Noan Ecerly. Photo de Une : Noan Ecerly

  1. 48
  2. 0
  3. 3

La production de ce sujet a nécessité :

Heures de travail
€ de frais engagés
membres de la Team
Parleur sur le pont

L’info indépendante a un coût, soutenez-nous

Radio Parleur est un média indépendant

Radio Parleur est un réseau de formation au journalisme

Et tout ça à prix libre !