La 21ème édition de la Techno Parade, samedi 28 septembre à Paris, avait la saveur étrange d’une fête endeuillée. Un hommage à Steve Maia Caniço rendu par le monde de la Free Party teinté d’un message plus politique contre la répression systématique et multiforme que subit cette culture alternative Tekno*.
Le 21 juin dernier, Steve Maia Caniço disparaissait dans les eaux troubles de la Loire, après une charge de la police controversée. Les lacrymogènes, les hurlements et les chutes dans le fleuve avaient mis un coup d’arrêt brutal à la fête de la musique de Nantes, sur un quai Wilson historiquement consacré aux sound systems de free parties, sans le moindre voisinage pour se plaindre d’éventuelles nuisances.
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“C’est le monde de la Free Party qui est attaqué.”
C’est le long d’un autre quai que s’élance la 21ème Techno Parade, événement culturel phare de la rentrée parisienne. Cette année, Technopol, l’organisateur, invitait le Collectif des Sound System d’Île-de-France et les Amis de Steve à prendre la tête du cortège festif. “Steve était un teufeur.[…] C’est clairement le monde de la Free Party qui est attaqué” explique Robin, du collectif des Sound Systems d’IdF.
Pour répondre à l’invitation, les sound systems Kraken et Insoumis ont garni leurs deux chars de nombreux slogans revendicatifs. Une politisation assez inhabituelle pour cet événement plus institutionnel que militant. “La Techno Parade, c’est le rassemblement des associations commerciales qui font de la techno. Nous sommes des collectifs de free party, donc on n’a rien à foutre dans la Techno Parade à part pour avoir un truc à revendiquer.” Au-delà de l’hommage à Steve, c’est sur la répression massive et méconnue de cette culture alternative que les sound systems sont venus porter aux oreilles du grand public. “La moitié de nos enceintes sont dans des gendarmeries, saisies.”
“Cette culture est considérée comme une nuisance”
Un discours grave, porté aux enceintes par deux voix pré-enregistrées, vient interrompre le son des chars alentours. Un message co-écrit par Technopol et le mouvement Free Parties, diffusé par tous les chars. Il rappelle que le pouvoir et sa police, des interventions controversées aux prises de positions des préfets, témoignent d’un mépris pour le mouvement teuf et d’une volonté de lui empêcher tout type d’expression : “depuis 25 ans maintenant, nous savons qu’il existe une forte tendance des pouvoirs publics à considérer notre culture comme une nuisance, notre public comme des “fêtards avinés et immaîtrisables”, pour reprendre les propos du préfet de Nantes“.
Sound systems et Gilets Jaunes
Des Gilets Jaunes déambulent parmi les beats de cette Techno Parade. L’une d’entre-elle va dans le sens d’une convergence toute trouvée entre ses revendications et celles des teufeurs : “je pense qu’il y a une prise de conscience qu’on se bat tous pour un truc aussi bête que la liberté d’expression“. Plus âgée que la plupart des gens venus danser, elle confie ne pas particulièrement aimer la techno. “Je crois qu’au moment de l’assaut des policiers le 21 juin, les teufeurs ont mis la chanson des Béruriers noir, La Jeunesse Emmerde Le FN (Porcherie). Ça je connais de ma jeunesse, je pense que ce n’est pas un hasard. Ils [les policiers] l’ont sûrement vu comme une provocation.”
Le cortège improvisé de Gilets Jaunes est convaincu qu’une commune répression policière amène une convergence avec les teufeurs. Bien vu. Le collectif des Sound System d’IdF se sent effectivement solidaire : “on est là aussi dans les cortèges Gilets Jaunes, on est là aussi en soutien pour les grèves, on est là dans les manifs de sans-papiers”.
Steve à la Techno Parade, un symbole contre la répression
Pendant que les Amis de Steve déroulent leur banderole de tête aux dessins évocateurs, le discours diffusé par d’un des chars du Collectif des Sound System d’IdF termine sa prise de parole, encensée par des jeunes et moins jeunes surexcités, prêts à taper du pied tout l’après-midi jusqu’à Place d’Italie. “Aujourd’hui, nous nous unissons et disons ça suffit : d’annulation de festivals et de soirées en lois d’exception, de pressions d’élu·es en descentes de police ou en jets de grenades lacrymogènes, nous ne voulons plus subir cette intolérance et les excès auxquels elle peut mener“.