Leur combat : soutenir les mouvements sociaux. Leur moyen : la musique. Depuis 2009, cette assemblée hétéroclite de musicien·nes d’horizons diverses rythme les manifestations, traverse la France pour soutenir des collectifs et tisse des liens partout dans le monde. Leur répertoire allie musiques traditionnelles de lutte, compositions originales et morceaux dansants.
C’est au bord des rails menant à la gare de Bercy, dans un local de Sud Rail, que la Fanfare Invisible organise ses répétitions. Alors que l’on entend en fond les crissements des wagons, les musicien·es arrivent au fur et à mesure pour partager un verre et se retrouver. Ils et elles ont trimbalé leurs étuis dans plusieurs lieux avant d’atterrir ici, depuis le premier squat organisé par le DAL où ils se retrouvaient en 2009.
A 21 h, la musique démarre. Ils et elles travaillent chaque semaine quelques morceaux, peaufinent des morceaux de partition pour tel ou tel instrument, prennent le temps d’enseigner aux plus débutants les différentes mélodies. Puis vient le temps de la pause et du débat pour savoir à quelles luttes ils participeront la semaine suivante. En interne, les pratiques musicales passent également sous une loupe militante. Des Assemblées Générales spéciales musiques sont parfois organisées pour discuter des actions et rechercher le moyen d’introduire plus d’horizontalité dans le monde souvent hiérarchisé de la musique. Les solos sont-ils toujours pris par les mêmes musiciens ? Quels nouveaux morceaux peuvent être ajoutés au répertoire ?
« L’étendard politique c’est le répertoire »
La Fanfare Invisible ne joue pas pour les partis. En effet, ce groupe rassemble des militant⋅es qui pourraient s’écharper pendant des heures sur les tendances politiques à suivre. Par soucis de rester dans l’action ils et elles préfèrent donc jouer sur ce qui les rassemble : l’amour de la musique et la lutte. On retrouve au répertoire des classiques militants comme le chant des résistants italien Bella Ciao, El pueblo Unido tout droit venu du Chili ou encore La Semaine Sanglante écrite par J.B. Clément dénonçant la répression de la Commune de Paris en 1871. Ils créent aussi des compositions originales pour permettre au public de participer en chantant des slogans plus actuels.
“Ah c’est bon y’a la fanfare”
Les manifestant⋅es parisien⋅nes se sont habitué⋅es à la fanfare qui représente parfois un îlot festif (même si ce n’est pas le seul) dans des cortèges soumis à une atmosphère de plus en plus tendue. Ils.elles sont nombreux⋅ses à chanter haut et fort les paroles des “tubes” de la Fanfare comme Du Mouvement Social. Les musicien⋅nes de la Fanfare n’échappent pas non plus à la répression, les instruments n’étant pas des garanties de sécurité face aux forces de police. Lors des rassemblement, les gaz lacrymogènes atteignent aussi à de nombreuses reprises ces artistes-militant⋅es. Ils et elles tiennent pourtant bon, sonnant le ralliement des foules dispersées ou faisant valser les manifestant⋅es devant les lignes policières (comme ici, filmés par Taha Bouhafs, lors de l’acte 8 des Gilets Jaunes).
La Fanfare Invisible ne se cantonne pas aux manifestations dans l’Hexagone et participe à de nombreuses rencontres internationales de fanfares comme en juin dernier à Innsbruck en Autriche à l’appel du Street Noise Orchestra ou à New York au festival HONK! en 2016. Lors de ces événements, les musiciens tissent des liens forts avec leurs pairs.
Des échanges de morceaux se pratiquent même, comme avec l’Ottoni a Scoppio, fanfare historique de Milan. La Fanfare Invisible rêve ainsi de jouer une partition collective rassemblant des musiciens de différents endroits du globe, menant des luttes internationales. Ils ont en tout cas fait des émules sur le territoire car une Fanfare Invisible de Bretagne a récemment vu le jour.