En dénonçant les agissements climaticides de la Société Génerale et ses investissements dans les énergies fossiles, les activistes écologiques ont été confrontés à une violence policière inédite.

“SoGé on veut nettoyer, SoGé on veut nettoyer”. Il est rare d’entendre des gens supplier de faire le ménage. C’est pourtant ce qui s’est passé vendredi 14 décembre 2018 devant le siège de la Société Générale, Boulevard Haussmann à Paris. Des activistes répondant à l’appel des Amis de la Terre France et d’Action Non-Violente COP21, se sont réunis pour “nettoyer” la façade de la banque “armés” d’éponges, de balais et de torchons. Une action symbolique visant à dénoncer les investissements de la Société Générale dans les énergies fossiles. Ce n’est pas la première opération visant la banque. D’autres opérations ont déjà eu lieu dans toute la France. 

Bob l’Eponge devant la Société Générale. Photo Elise Prevot – Amis de la Terre

Bob l’éponge n’adoucit pas l’ambiance

L’ambiance promettait d’être bon enfant car, malgré la gravité des faits, les organisateurs.trices sont connus pour leur sens de la mise en scène. Rappelez-vous l’affaire des faucheurs de chaises pour dénoncer l’évasion fiscale. Mais le sourire de leur mascotte du jour, Bob l’éponge, n’a pas suffit à apaiser les tensions. Juste après le début de l’action, vers 10h30, des dizaines de CRS ont tenté de repousser violemment les manifestants qui bloquaient le Boulevard Haussmann, en face des Galeries Lafayette. Peine perdue. “On est pas assez nombreux”, clame l’un d’entre eux, après s’être caché le visage avec sa cagoule. Beaucoup semblaient visiblement dépassés par ces hommes et ces femmes non-violent.e.s qui chantaient leur célèbre slogan “sans haine sans armes sans violence”.

La tension est allée crescendo tant pour les activistes que pour les nombreux journalistes, sommés sans ménagements de montrer leur carte de presse. Au sol, les militants se font traîner par la force pour dégager la chaussée. Certains sont matraqués et gazés. “On est tombés face à des policiers violents. Mon mari a reçu des coups de botte dans la figure”, raconte choquée Isabelle, pourtant habituée de ce genre d’actions. “On sait qu’ils sont sous pression avec les Gilets Jaunes et l’attentat de Strasbourg”, confie un autre militant les yeux remplis de larmes dues aux lacrymos. Dans des rangs des forces de l’ordre, certains – non masqués – regardent la scène avec désarroi. L’un d’entre eux me glisse “je sais pas ce qu’on fait là, il ne se passe rien”. L’un des médiateurs du mouvement, Gabriel Mazzolini, chargé de mobilisation climat aux Amis de la Terre, est menotté et placé en garde à vue. Samedi dernier, lors de la Marche pour le climat, c’est le président des Amis de la Terre, Florent Compain, qui est placé en garde à vue pour avoir maintenu la marche à Nancy en dépit de l’interdiction du préfet. 

Conséquent dispositif policier face aux militants non-violents. Photo Clement Tissot – Amis de la Terre.

Une victoire déjà remportée contre le BNP

“Il ont même embarqué Bob l’éponge”, grince une militante. L’utilisation de ce personnage de dessin animé peut prêter à sourire face à l’ampleur du désastre climatique et l’inertie des banques. Mais cette méthode d’alerte médiatique a déjà porté ses fruits. La BNP a annoncé vouloir cesser ses relations avec les acteurs “dont l’activité principale est l’exploration, la production, la distribution, le marketing ou le trading de gaz et de pétrole de schiste et/ou de pétrole issu des sables bitumineux.” Sa concurrente la Société Générale s’est empressée de prendre sa place dans le financement d’un projet de terminal d’exportation de gaz de schiste au Texas, comme l’expliquent nos confrères de Reporterre. 

Après la mobilisation du vendredi 14 décembre, la Société Générale a dénoncé dans un communiqué de presse les “excès, agressions et mises en scène qui font de nos salariés des boucs émissaires (…) Après de nombreux échanges constructifs avec l’ONG les Amis de la Terre, nous avons pris la décision d’exclure tout financement direct d’importations de gaz de schiste américain en France ; nous évaluerons notre soutien concret au projet Rio Grande au Texas, qui n’en est qu’à un stade d’études, d’ici le 1er semestre 2019, et ce soutien sera conditionné au strict respect de nos politiques environnementales et sociales”. En attendant, les militants restent déterminés et ne se contenteront pas de belles paroles.

Photographie à la une d’Hugo Lecomte pour Les Amis de la Terre