Quel rôle l’idéologie des accusés a-t-elle joué dans la mort de Clément Méric ? Nicolas Lebourg est historien de l’extrême-droite. Son analyse de l’idéologie du mouvement Troisième Voie et du milieu skinhead d’extrême-droite, dont sont proches les accusés de l’affaire Clément Méric, l’ont amené à témoigner en tant qu’expert dans le procès.

Le skinhead à la peau neuve et la victime en chef de meute

9h40, Maître Vey, avocat de Samuel Dufour accusé de « violences volontaires » sur les amis de Clément Méric, rumine sur son banc et gêne l’audition du témoin appelé à la barre. Il finit par se lever et conteste l’audition de Nicolas Lebourg, historien spécialiste de l’extrême-droite. Ce dernier est venu apporter des éclairages sur l’univers dans lequel ont évolué les trois accusés, ex-skinheads et militants d’extrême droite. La dispute s’installe entre la défense et les parties civiles, la présidente Xavière Simeoni tentant de les calmer. La situation révèle un enjeu phare du procès : la violence politique a-t-elle armé le bras des prévenus ?

Un néo-nazisme « gommé »

La stratégie de la défense des accusés est claire : la dimension politique du procès doit être évacuée. Lorsque Esteban Morillo, en costume noir et aux cheveux d’ébène bien peignés, se présente à la barre le mardi 4 septembre, son discours apparaît ambigu. L’homme de 25 ans avoue avoir trouvé « comme une famille » dans le mouvement d’extrême-droite Troisième voie. Il affirme par la suite nourrir « des rapports lointains » avec Serge Ayoub, leader du groupuscule. Les portraits que les mis en cause dressent d’eux-même en audience montrent des hommes repentis. Des hommes dont les penchants extrémistes n’étaient que le résultat de « mauvaises fréquentations » et du manque de conscience de l’idéologie qu’ils ont véhiculée.


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Au sujet de son tatouage à l’avant-bras « Travail, Famille, Partie », Esteban Morillo assure ne pas connaître le lien entre la devise et le régime de Vichy au moment de se l’encrer dans la peau. Une posture également adoptée par Samuel Dufour, surnommé « Le Führer » par certains camarades du CFA, lorsqu’il indique ne pas avoir eu conscience de proférer des « propos racistes et homophobes » en réponse aux questions de son avocat. Maître Saint-Palais, avocat de la famille Méric, s’adressant à M. Morillo, balaye cette stratégie d’un revers de main. « Vous nous dites que vous êtes un homme changé, mais je crois que vous essayez de gommer qui vous étiez. » 

« Skinheads d’extrême-droite : une obédience néo-nazie très spécifique et très agressive »

Mode vestimentaire, style de musique, idéologie… À travers ses deux semaines d’audience, le procès Clément Méric a posé la question de l’appartenance des accusés au milieu skinhead d’extrême-droite. Nicolas Lebourg est membre du comité de pilotage du programme VIORAMIL (Violences et radicalisations militantes en France) de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR). Il revient sur les spécificités du milieu « naziskin » français, sur son histoire, ses idées et son implantation. Il nous délivre ainsi les clés pour mieux comprendre ce milieu et ses pratiques.

Nicolas Lebourg est le fondateur du site Fragments sur les temps présents et auteur de La Violence des marges politiques des années 1980 à nos jours (Riveneuve, 2017).

Un entretien de Tristan Goldbronn et Romane Salahun. Photo de Une : Duncan c. sur Flickr

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