Militant antifasciste et syndicaliste, Clément Méric est mort le 5 juin 2013, à l’âge de 18 ans, lors d’une bagarre avec des skinheads d’extrême-droite dans le quartier des grands magasins en plein Paris. Aujourd’hui, et jusqu’au 14 septembre, s’ouvre le procès devant la cour d’assises de Paris de trois des skinheads, jugés pour « coups mortels ayant entraîné la mort » et « violences volontaires en réunion ». Le point de départ d’une semaine de mobilisation pour les mouvements antifacistes, qui entendent « faire le procès de l’extrême-droite » et de ses violences politiques.

Le 5 juin 2013, vers 18h, une bagarre éclate entre plusieurs jeunes individus devant l’église Saint Louis d’Antin et face à la gare Hausmann, dans le 9ème arrondissement de Paris. Ils sont huit. D’un côté, quatre jeunes hommes se revendiquant antifascistes, en face quatre jeunes individus appartenant à la mouvance d’extrême droite. Les deux groupes viennent de se rencontrer pendant une vente privée de vêtements.

La situation dégénère très vite. Clément Méric tombe sous des coups de poing assénés au visage. Sa tête heurte un poteau métallique. « One shot ! », s’écrie alors l’un des agresseurs, en écartant les bras en signe de victoire, avant de prendre la fuite avec le reste de son groupe. En état de mort encéphalique à son arrivée aux urgences, le jeune militant antifasciste décède le lendemain.

Qui a porté le premier coup ? Les coups portés ont-ils été mortels ? Qui a frappé Clément Méric ? Quatre ans d’enquête judiciaire ont été nécessaires pour faire la lumière sur les circonstances de cette rixe violente. Pourtant, malgré les témoins et les caméras de vidéosurveillance, le déroulement des faits n’est pas établi avec certitude.

Plusieurs expertises médicales et médico-légales concernant Clément Méric sont réalisées. Elles démontrent que les coups donnés à la face ont été très violents et ont causé le décès. En janvier 2017, le rapport d’expertise, transmis aux juges d’instruction en charge de l’affaire, conclut que « les lésions traumatiques, que ce soit le coup porté au visage ou la chute à terre sont directement responsables de l’hémorragie méningée ».

L’enquête permet d’identifier des militants d’extrême droite proches du groupe ultranationaliste « Troisième voie »

Les quatre skinheads à l’origine des coups mortels sont rapidement identifiés, et interpellés. Il s’agit notamment d’Esteban Morillo, de Samuel Dufour et d’Alexandre Eyraud. Tous sont proches du mouvement extrémiste Troisième Voie, qui sera dissous le 12 juillet 2013. Ce mouvement est alors dirigé par une « figure » de l’extrême-droite : Serge Ayoub, aujourd’hui âgé de 53 ans. Surnommé « Batskin » en référence à son goût pour le maniement de la batte de baseball lorsqu’il était plus jeune, ce militant d’extrême-droite est à l’origine de plusieurs groupuscules violents comme les Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR). Désertant pour un temps la capitale, Serge Ayoub a depuis monté le club des Praetorians à Berzy-Le-Sec, dans l’Aisne.

“J’ai plein de sang sur mon bombers, demande à Serge si je dois le nettoyer ?”

Serge Ayoub est l’un des témoins importants de ce procès. C’est en effet dans son bar du 15e arrondissement de Paris, Le Local – fermé depuis – que la bande de skinheads se retrouve le soir du 5 juin 2013, après la rixe. Samuel Dufour échange aussi des SMS avec un des proches du leader de Troisième Voie, le mentionnant explicitement. « J’ai plein de sang sur mon bombers mais c’est le mien, demande à Serge si je dois le nettoyer ? »

A l’issue de leur garde à vue, Samuel Dufour, Esteban Morillo, Alexandre Eyraud, aujourd’hui sur le banc des accusés, ainsi qu’un quatrième mis en cause, sont déférés devant le juge d’instruction. Une ouverture d’information est ouverte le 8 juin 2013 contre les individus déférés, et contre X. À l’issue des interrogatoires de première comparution, le juge d’instruction met en examen :

– Esteban Morillo, agent de sécurité âgé de 20 ans au moment des faits, est accusé des chefs de violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner, violences volontaires avec incapacité totale de travail (ITT) de moins de 8 jours en réunion avec arme sur M.Bouchenot et Domas, violences sans ITT en réunion sur M.Boudon et port d’arme prohibé.

– Samuel Dufour a quant à lui 21 ans, il est alors apprenti boulanger et est accusé des chefs de violences volontaires avec ITT de moins de 8 jours en réunion avec arme sur M.Bouchenot et Domas, violences sans ITT en réunion sur M.Boudon et port d’arme prohibé.

– Alexandre Eyraud des chefs de violences volontaires avec ITT de moins de 8 jours en réunion avec arme sur M.Bouchenot et Doms.

L’usage probable d’un coup de poing américain ou de bagues

L’examen de la situation médicale de Clément Méric révèle que ce dernier était suivi pour une leucémie diagnostiquée en 2011 et qu’il suivait toujours un traitement de chimiothérapie d’entretien allégé au moment des faits. Selon les experts, il était plus vulnérable aux lésions cérébrales qu’un jeune homme en bonne santé. Des expertises sont également réalisées pour analyser les blessures de Mrs.Morillo, Bouchenot et Domas. Durant l’instruction, les juges procèdent à de nombreux interrogatoires et confrontations. Ils explorent aussi les deux mouvements auxquels appartenaient les différents protagonistes.

Quelles sont les peines encourues ?

Les faits de coups mortels aggravés (en réunion et avec arme) sont punis de 20 ans de réclusion criminelle. Les faits de violences ayant entrainé une ITT inférieure ou égale à 8 jours aggravés par deux circonstances (en réunion et avec arme) sont punis de 5 ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende. Les faits de violences n’ayant pas entraîné d’ITT aggravés pas une circonstance aggravante (en réunion) sont punis de 3 ans et 45.000 euros d’amende. Les faits de port d’arme illégal de catégorie D sont punis d’un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende.

« L’extrême droite tue, faisons son procès »

« L’extrême-droite tue, faisons son procès », réclame sur Twitter le « Comité pour Clément », qui rassemble ses proches et sa famille. Celui-ci s’est fixé « comme objectifs de faire vivre sa mémoire et ses combats. » Cinq ans après les faits, les attentes pèsent sur le jugement rendu le 14 septembre 2018. Les soutiens de Clément Méric et sa famille réclament toujours la vérité et, au-delà, exigent la prise en compte de la dimension politique de cette affaire, parfois présentée en rixe de comptoir par une partie des médias et par la défense.

Alors que Clément Méric est devenu un symbole pour les antifascistes qui commémorent sa mémoire chaque année, ces derniers dénoncent un meurtre politique. Ils étaient plus d’une centaine, ce lundi, à s’être réunis devant la fontaine Saint-Michel, afin de donner le point de départ à plus d’une semaine de mobilisation des mouvements antifacistes.