Les sorcières du Witch Bloc de Paris ressortent leurs balais du placard ce samedi 21 octobre 2017 pour aller manifester contre la transphobie et l’intersexophobie à l’occasion de la 21ème édition de l’Existrans, marche de soutien aux personnes trans et intersexes. Rencontre avec ces sorcières féniministes et radicales passionnantes.

Safe space militant

Après avoir fait une première apparition à la tête des cortèges le 12 septembre dernier, protestant contre le projet de réforme du code du travail proposé par gouvernement d’Emmanuel Macron, mais aussi revendiquant la nécessité d’un “safe space” en manifestation, ce groupe de militant-e-s vêtu-e-s tout de noir et orné-e-s de chapeaux pointus avaient suscité-e-s la curiosité des foules mais aussi des journalistes.

Radioparleur les a rencontré et suivi le 12 septembre et le 28 septembre — lors de la journée mondiale du droit à l’IVG — pour comprendre le pourquoi du comment de ces défilés spectaculaires.

Initialement formé par des étudiant-e-s du comité anarchiste de Paris VII, le Witch Bloc de Paris réunit des militant-e-s qui revendiquent un féminisme radical et non mixte, s’opposant activement contre toutes formes d’oppressions.

Partant du constat que, même au sein des milieux militants, les problématiques anti-sexistes continuent souvent d’être reléguées au second plan voire même complètement ignorées ; les membres du Witch Bloc ont souhaité passer par la mise en scène pour favoriser la visibilisation de leurs luttes et de leurs communautés.

La sorcière, figure de l’émancipation féminine

“La sorcière, qu’elle soit très attirante ou très effrayante, cristallise les extrêmes de la vision qu’on a des femmes”, explique Laura. “D’un côté, la vision monstrueuse d’une femme qui s’est affranchie de tous les codes, qui vit seule, incomprise et, par conséquent, devenue cruelle et aigrie. De l’autre, l’image hypersexualisée de la femme tentatrice qui doit être violemment punie pour son incitation au péché.”

Le potentiel subversif incarné par la figure de la sorcière en a, en effet, inspiré plus d’une.  Barbara Ehrenreich, Deirdre English mais aussi l’écoféministe Starhawk et l’historienne marxiste et féministe Silvia Federici sont parmi les figures de proues des intellectuel-le-s ayant étudié la généalogie de ce symbole de révolte et d’émancipation féminine.

Alors que les sorcières semblent renaître de leurs cendres au sein des mouvements sociaux, les images circulent et les groupes de féministes s’inspirent les unes des autres, d’un bord à l’autre de l’Atlantique.

Les membres à l’initiative du Witch Bloc de Paris puisent donc une certaine inspiration dans les formations de sorcières ré-apparues en octobre dernier à Portland, aux Etats-Unis pendant les manifestations anti-Trump ; qui elles-mêmes se veulent les héritières du mouvement new-yorkais W.I.T.C.H (Women’s International Terrorist Conspiracy from Hell) de 1968.

Une histoire militante contre le patriarcat

 Les militant-e-s du W.I.T.C.H oeuvraient au sein du Women’s Liberation Movement des années 1960. Ces féministes socialistes (au sens anglosaxon du terme) s’étaient distancées du groupe des New York Radical Women, notamment en revendiquant l’importance d’une convergence des luttes contre le patriarcat, le capitalisme, le racisme et le fascisme. The New Left, le Black Liberation Movement mais aussi les mouvements étudiants et anti-militaristes étaient parmi leurs principaux alliés.

De la même façon, nos sorcières françaises contemporaines cherchent à se distancer d’un féminisme institutionnel qu’elles considèrent être “blanc-bourgeois-islamophobe-putophobe-transphobe” en proposant à sa place un féminisme plus inclusif.

Toujours dans le folklore ésotérique, elles défileront une nouvelle fois le 10 octobre en soutien à la fonction publique et contre la politique du gouvernement d’Emmanuel Macron jugée ultra-libérale.

Retrouvez-les aussi sur leur page Facebook et leur compte Twitter @witchblocparis.

Un reportage de June Loper.