Ce vendredi 27 septembre, se tient au tribunal de Pau le procès en appel de trois jeunes allemands arrêtés puis condamnés peu avant l’ouverture du sommet du G7 à Biarritz cet été. Leurs avocats et leurs familles clament leur innocence. Ils dénoncent une sanction prononcée dans un climat de zèle sécuritaire.
Péage autoroutier de Biarritz, mercredi 21 août 2019. En route vers le camping espagnol où les attendent leurs ami·e·s, trois jeunes allemands entre 18 et 22 ans sont contrôlés par des gendarmes. Nous sommes à quelques jours de l’ouverture du G7, le sommet des sept premières puissances mondiales qui doit débuter au début du week-end. Grâce à une réquisition nationale du procureur de la République, les 13 200 policiers et gendarmes mobilisés pour le G7 peuvent fouiller et contrôler tous les véhicules, sans avoir à donner de justification particulière.
Dans la voiture, des jeunes allemands, ils trouvent de la “littérature gauchiste” ; en fait le compte-rendu d’un colloque scientifique sur la violence politique, des autocollants d’organisations proches de la gauche allemande, un spray au poivre, des cagoules, un brise-vitre et des équipements pour la pratique de la boxe anglaise. Direction la garde à vue, sur la base de ces quelques effets personnels jugés suspects et de l’interdiction de territoire qui, à sa grande surprise, est en vigueur contre l’un des 3 hommes qui apparaît sur un fichier international de signalement de militants fourni par les autorités allemandes.
Une procédure “pleine d’incohérence” pour la défense.
Trois jours plus tard, le 24 août. Les trois jeunes sont présentés devant le tribunal. L’accusation de port d’arme tombe aussitôt. La juge du tribunal de grande instance de Bayonne l’abandonne faute de preuves : le brise-glace et le spray au poivre n’ont pas été placés sous scellé par les gendarmes mais simplement pris en photo.
Autre vice de procédure, les auditions des trois jeunes. Le tribunal les rejette car la confidentialité avec leurs avocats n’a pas été respectée. Il sont finalement condamnés pour la dernière charge qui pèse contre eux, le fameux “groupement en vue de commettre des violences”. Une charge plusieurs fois retenue dans des procès de Gilets Jaunes et de militant·e·s ces derniers mois. Les trois jeunes allemands sont condamnés à deux et trois mois de prison, assortis d’une interdiction de territoire de cinq ans, puis immédiatement incarcérés dans trois prisons différentes : Bordeaux-Draguignan, Agen et Mont-de-Marsan.
Ce vendredi, le procès en appel va s’attacher à démontrer que les trois jeunes ne doivent leur séjour en cellule qu’au “climat sécuritaire” provoqué par le dispositif policier autour du G7 . “Ils s’intéressent à la politique”, explique la mère d’un des détenus jointe au téléphone par Radio Parleur. Elle dénonce une condamnation “pour faire un exemple” avant l’ouverture du sommet. Elle insiste aussi sur le fait qu’ils partaient en vacances dans un camping déjà connu et réservé pour les jours suivants. Maître Arié Alimi, avocat d’un des trois prévenus lors du procès en appel dénonce des condamnations prononcées dans un climat “sécuritaire” et une procédure “incohérente”. L’avocat, également président de la Ligue des Droits de l’Homme affirme que “le gouvernement est dans le registre de l’efficacité et non pas dans celui de l’équilibre” des droits.
En Allemagne, inquiétudes et protestations
Les familles, issues de la région de Nuremberg, ne comprennent toujours pas comment leurs enfants ont pu se retrouver en prison sans qu’elle soient mises au courant. Sous le choc après plusieurs jours sans nouvelles, elles ont adressé une lettre ouverte pour obtenir des informations. L’ambassade allemande leur a répondu “ne rien savoir de l’arrestation de trois citoyens allemands“.
Même aujourd’hui, contacter leurs enfants détenus reste “très difficile”. Les appels leurs sont refusés, et ils et elles n’ont reçu que trois lettres de la part des détenus. Présente au procès demain, la mère de l’un des détenus espèrent “la libération de [son] fils, car rentrer à la maison sans lui serait un effondrement”.
Ce vendredi, un groupe de soutien organise une manifestation devant le tribunal et “alerte la presse sur cette situation“. Il dénonce particulièrement le motif de la condamnation, “participation à un groupe en vue de commettre des violences” qui permet de “justifier des arrestations dans un contexte de mesures sécuritaires renforcées”. Un délit à la “Minority Report”, le film de Steven Spielberg, estime maître Arié Alimi. Peter, ami et membre du groupe de soutien, explique qu’il faut “surveiller cette tendance” et craint de voir un jour “ce délit appliqué aussi dans la loi allemande”.