Vendredi 22 décembre, la présidente du tribunal Brigitte Roux, prononçait la condamnation pour terrorisme des “inculpé·es du 8 décembre”. Des peines allant de deux à cinq ans de prison aménageables ainsi qu’une inscription au Fichier des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT) pour la quasi-totalité des condamné·es. Une jurisprudence catastrophique pour les luttes et les libertés publiques.
Entre les quatre murs du tribunal, pendant quatre semaines, des interrogatoires à rallonge où les mis en cause sont interrogé·es sur leur personnalité, leur intimité, leurs opinions politique. Les termes de la DGSI sont repris mot pour mot par les magistrats. La défense, les prévenus et le public n’en peuvent bientôt plus, face à la ritournelle des mêmes questions, des mêmes sous-entendus.
Le réquisitoire du Parquet national anti-terroriste est sans nuance, Florian y est dépeint comme un chef charismatique à l’aura renforcée par son expérience révolutionnaire au Rojava. Il aurait agrégé des camarades de divers horizons pour commettre des actes de terrorisme.
Le procureur, Benjamin Chambre, n’entend aucune critique sur le narratif et les certitudes absolues de l’antiterrorisme. Pire, il se lance durant son réquisitoire dans un vibrant plaidoyer de défense de l’institution. Non, les agents de la DGSi ne comparaîtrons pas. Oui, même les plus surréalistes des procès-verbaux sont indubitables. Il défend l’institution, coûte que coûte. Les procureurs demanderont finalement des peines allant de deux à six ans de prison. Seule Libre Flot est concerné pour un mandat de dépôt.
Des condamnations à la pelle.
Vendredi 22 décembre 2023. Il est 10h, la grisaille règne sur la capitale. Deux mois se sont écoulés depuis la fin des audiences du procès. La salle est comble une fois de plus pour accueillir le délibéré. Peu avant 11h, la présidente Brigitte Roux rend son décision.
Sans surprise au vu de la tenue des audiences, la juge motive la condamnation des mises en cause. La salle peste à voix basse. Brigitte Roux s’agace et demande la suspension de l’audience puis l’évacuation de la salle. Après avoir, une nouvelle fois, refusé de donner son délibéré, Brigitte Roux rend le verdict sans les motivations du tribunal prétextant qu’elles “n’intéressent personne“. La défense proteste mais il en est ainsi. La sentence tombe, elle est partiellement plus lourde que celle requis par le parquet.
La peine la plus clémente, c’est deux ans de sursis simple sans l’inscription au FIJAIT, le fichier des auteurs d’infraction terroriste. Pour les autres, des peines allant de trois à cinq ans de prison, qui seront aménagées avec bracelet électronique à domicile, ainsi qu’une obligation de travail et de soin, d’une interdiction de communiquer et d’une inscription au FIJAIT pour tous·tes. Libre Flot, quant à lui, écope de cinq ans de prison, et trente ans avec sursis. L’aménagement de sa peine sera entre les mains du juge d’application des peine à la mi-janvier. Sur les bancs des inculpée·s et du public, des larmes et de la rage.
Une jurisprudence désastreuse
Lors de la motivation du verdict, la présidente a jugé que les actes des inculpé·es, supposant une organisation et une stratégie, les rattachait à une entreprise terroriste. Pour le tribunal, “Il ne s’agit pas de démontrer le projet, mais l’intention de membres de cette association”. Celle-ci étant caractérisée par les propos du groupe révélés dans les écoutes, puis par les brochures et notes retrouvées chez les un·es et les autres, mais aussi par les modes de communication chiffrés…
Souvent il a été dit du dossier des inculpé·es qu’il était vide. Hors pas vraiment. Peut être serait-il plus juste de dire qu’il n’en faut vraiment pas beaucoup pour qu’un dossier pèse son poids en matière terroriste.
Cette affaire du 8 décembre n’est pas terminée, loin de là. Car si le verdict est lourd pour les inculpé·es, la jurisprudence créée par l’affaire est un précédent catastrophique pour les luttes et les libertés publiques.
Crédits finaux : Une enquête en cinq épisodes de Pierre-Louis Colin. Écriture et production : Pierre-Louis Colin et Violette Voldoire. Réalisation : Arthur Faraldi. Ambiance sonore : Arthur Faraldi et Victor Taranne.