Dans ce nouvel épisode autour du scandale des faux positifs en Colombie, nous entrons dans les mécanismes judiciaires et le rôle des militaires dans cette affaire. Pour mieux comprendre la protection des hauts gradés militaires, les limites de la Juridiction Spéciale pour la Paix (JEP), ou encore la difficulté à faire émerger l’entière vérité.

Je me suis toujours demandée ce qui était arrivé au sergent Alexander Rodriguez Sanchez. Il a écrit et dénoncé le processus des faux positifs au début de l’année 2008, avant les disparitions de Soacha. Je n’ai plus jamais entendu parlé de lui après son emprisonnement à la Modelo de Bogota pour une prétendue extorsion qu’il a nié. Avec le militaire Carlos Mora, j’ai compris de quoi l’armée est capable pour discréditer celui qui dénonce. Peut-être que Rodriguez Sanchez n’était pas coupable…”. Ces réflexions sont celles de la journaliste Guylaine Roujol Perez, après des mois d’enquête sur les faux positifs en Colombie et la place de l’armée dans ce scandale. Jusqu’où va l’implication des militaires dans les meurtres des faux positifs ? Pourquoi l’État a nié en chaîne ce scandale pendant de nombreuses années ? Pourquoi est-il si difficile de condamner les premiers exécuteurs d’ordres ?


Écouter l’épisode 1 et l’épisode 2

Juridiction spéciale, justice spéciale ?

La Juridiction Spéciale pour la Paix (JEP) a jugé plusieurs militaires, dont des dirigeants. Cependant, la JEP et les acteurs cherchant à traduire en justice ceux qui ont commis les crimes rencontrent des difficultés. La majorité des militaires nommés comme les principaux responsables par la JEP sont des militaires de bas rang.

Aujourd’hui, cet organe juridique a déterminé que les forces armées ont mis en place un “schéma macro-criminel”. Schéma qui a mené à l’exécution des 6 402 faux positifs reconnus par cet instance. Les paramilitaires ont également été acteurs de ce schéma selon celle-ci. 3 582 membres des forces de l’ordre ont été soumis à la JEP. 703 uniquement ont donné leur version volontaire, soit 19 %.

Il est encore difficile d’atteindre les premiers acteurs à l’origine des ordres des exécutions extrajudiciaires. Néanmoins, la récente intervention de l’ex-président Alvaro Uribe devant la JEP après des années de refus laisse espérer des améliorations. Le président signataire des accords de paix et prix Nobel de la paix en 2016, Juan Manuel Santos, est une des figures haut-placées questionnées. Il a été ministre de la Défense sous le président Uribe (2006-2009).


“Les faux positifs: le scandale qui éclabousse l’État colombien” est une série de 4 épisodes, co-écrite par Erin Rivoalan-Cochet et Victor Taranne. Réalisé par Victor Taranne. Musique  : Yekanimal – 6402 Razones.