Face à un mouvement social massif contre la réforme des retraites, devenu imprévisible et nocturne, face à un mouvement écologiste conséquent s’attaquant à la logistique et aux infrastructures du mode de production écocidaire, face à des grévistes armé·es de courage, face à des jeunes révolté·es, l’État n’a pas chômé et a joué la plupart de ses atouts répressifs. Sur le vif ou dans l’analyse, réécoutez nos podcasts pour mieux comprendre le nouveau visage de la répression.
Pourquoi Macron veut-il tout dissoudre ?
Le gouvernement voudrait-il dissoudre le peuple ? On le croirait bien quand Gérald Darmanin annonce la dissolution des Soulèvement de la terre à la suite de la mobilisation contre le Lyon-Turin. Les dissolutions : une arme que le gouvernement agite contre tout ce qui le gêne comme un enfant agiterait son hochet pour s’amuser.
Le risque pour les organisations n’a pourtant rien d’une blague. À l’origine adoptée sous le Front populaire, la mesure était censée permettre à la République de se défendre des ligues d’extrême droite. Une volonté initiale certes salutaire, mais qui n’a en réalité fait que renforcer le pouvoir de nuisance de l’État envers celles et ceux qui voulaient s’y opposer.
En 2021, la loi “séparatisme” élargit une énième fois le champs d’action du gouvernement en matière de dissolution, rendant quasiment toutes les organisations politiques à la merci du bon vouloir du ministère de l’Intérieur. En mai dernier nos revenions, avec la Défense collective Rennes, sur les manières de faire du gouvernement en terme de dissolution, et sur les moyens de défense possible.
De nouveaux témoignages de la répression qui s’accumulent
En octobre à Nanterre – déjà
Au Lycée Joliot-Curie à Nanterre, matraques, gardes à vue et tribunal pour enfants après un blocus. Le mardi 11 octobre, 14 jeunes ont été interpellé·es et placé·es en garde à vue, dont 12 mineurs. L’un d’entre eux a moins de 14 ans, et il va passer plus de 24h en cellule. Trois d’entre eux vont être convoqués devant le tribunal pour enfants le 1er décembre 2022 à Nanterre. Les jours suivants, la situation monte en tension. Des affrontements entre police, lycéen·nes et autres personnes extérieures à l’établissement ont lieu.
Les élèves du lycée ont-iels vraiment bloqué leur établissement pour « avoir le droit de porter des tenues religieuses », comme l’affirme Eric Zemmour et sa cohorte de hérauts ? La stratégie de l’extrême droite, qui récupère toutes les histoires possibles pour en faire un outil de propagande raciste et nationaliste, est éculée et pourtant elle continue de fonctionner sur les réseaux sociaux.
Le blocus au lycée Joliot-Curie n’avait, d’après les nombreux témoignages recueillis, rien à voir avec la religion, mais tout à voir avec les conditions d’enseignement. Écoutez les élèves Rheem et Leïlou au micro de Pierre-Louis Colin.
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Mardi 11 octobre, le lycée est déjà bloqué depuis plusieurs jours. D’après les témoignages recueillis par Radio Parleur, aucun incident ne s’était déroulé, y compris avec les forces de police présentes. Ce jour-là, après une altercation, la situation dégénère, et des lycéen·nes sont garé·es, matraqué·es, interpellé·es. Une réponse brutale disproportionnée devenue monnaie courante face aux mobilisations lycéennes.
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En janvier, au campus Condorcet
Le 23 janvier, alors qu’iels venaient de décider de bloquer un bâtiment du campus Condorcet pour l’obtention d’une salle autogérée, une vingtaine d’étudiant·es ont été placé·es en garde à vue au commissariat de la Plaine à Saint-Denis où iels ont été humilié·es et tabassé·es. Nous avons rencontré l’une d’entre elleux, qui livre son témoignage sur les violences policières subies lors de cette interpellation.
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Pour cette militante autonome interpellée lors de l’occupation du campus de l’EHESS, il y a une “routinisation de la violence” et même une “performance de la violence” dans le comportement des policier·es.
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Réparti·es dans des cellules, les étudiant·es ont maintenu leur solidarité coûte que coûte. Une manière de reprendre le dessus dans un contexte d’oppression. Leur arme : le chant révolutionnaire, au vrai “potentiel émancipateur”.
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Une enquête sur la prise d’empreintes forcée en garde à vue
Le 24 janvier 2022, une nouvelle loi « relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure » inclut la possibilité pour les policier·es de saisir « sous la contrainte » empreintes et photos pour justifier votre identité. Une pratique qui se systématise en Île-de-France, mettant à mal les stratégies de défense militante contre le fichage généralisé.
Des reportages dans les tribunaux, sur les piquets et dans la rue
Le 1er mai, de la rue au tribunal
Le 9 mai, nous étions à l’audience en comparution immédiate de 5 manifestants arrêtés le 1er mai à Paris. Le jour de la manifestation, ils avaient été placés par l’acharné juge des libertés et de la détention, Frédéric Nguyen, en détention provisoire, c’est-à-dire en prison. La défense demande le renvoi des procès à une date ultérieure. Les dossiers étant vides, le tribunal s’est résolu à libérer quatre des cinq manifestants, avec de lourds contrôles judiciaires toutefois – allant jusqu’à deux pointages par semaine au commissariat. Le juge Pierre-Yves Calais décida néanmoins de laisser l’un d’entre eux derrière les barreaux jusqu’à la prochaine audience du 13 juin.
Le camarade sous les verrous était le seul à avoir déjà été condamné mais aussi la seule personne racisée jugée parmi les manifestants. Une décision qui révolta les soutiens dans la salle d’audience. Le juge refusa pourtant d’expliquer sa décision. Les chants contre la justice et sa police ont alors retenti dans le tribunal. Quelques jours plus tard le jeune homme fut libéré à la suite d’une demande de mise en liberté et relaxé lors de son procès.
Une mise sous les verrous rendue possible par l’utilisation d’une procédure particulière, la comparution préalable, comme l’explique Coline Bouillon avocate au barreau du Val-de-Marne. Le choix du juge des libertés et de la détention n’était pas anodin, Frédéric Nguyen est bien connu au sein du parquet. Coline Bouillon parle même de « juge de l’enfermement ». Une situation qui a facilité la volonté politique répressive du parquet de Paris.
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Hanna Rajbenbach, avocate au barreau de Paris, faisait le bilan de cette journée à notre micro.
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Au tribunal de Rennes, délit “d’intimidation d’un élu”
En marge d’une manifestation contre la réforme des retraites le 15 mars dernier à Rennes, un petit cortège de manifestant·es se rend au siège du parti présidentiel de la ville – également permanence de la députée Laurence Maillart.
Sur une vidéo d’AB7 Médias, un manifestant-reporter dont le visage n’est pas flouté se retrouve très vite dans le giron des policiers locaux. Rapidement identifié, la police judiciaire déploie l’arsenal répressif des grands jours : géolocalisation du téléphone, traçage de ses transactions bancaires, relevé ADN des stickers collés devant la permanence. Il faudra pourtant trois semaines aux enquêteur·ices pour retrouver le camarade qui sera finalement placé en GAV dans la nuit du 5 avril.
Ce dernier était accusé « d’acte d’intimidation envers un élu », un chef d’inculpation inédit dans un contexte de mouvement social et dont les conséquences pourraient être désastreuses, comme l’explique Olivier Pacheu avocat de la défense. Incriminer ce manifestant pour « intimidation » reviendrait à condamner « toute forme de protestation un peu vigoureuse » affirme l’avocat, qui rappelle également que « manifester, ce n’est pas tourner en rond avec un panneau qui dit “je ne suis pas content“ ». Un procès majeur pour la jurisprudence qu’il pourrait créer. Le verdict, rendu le 22 juin dernier, a accordé la relaxe au prévenu, une décision à laquelle le parquet a fait appel… affaire à suivre donc.
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À Vertbaudet, la grève contre vents et marées
Nous sommes le 5 mai 2023, Mathis Harpham était au piquet des grévistes de Verbaudet. La section CGT de l’entreprise de textile réclame 20% d’augmentation des salaires à la direction. Une grève commencée le 20 mars, qui prendra une tournure nationale.
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Peu à peu, la situation sur le piquet de grève prend une nouvelle ampleur. Après un piquet évacué de manière musclée par une police très proche de la direction, une ouvrière gréviste violentée, deux gardes à vue ainsi que de nombreuse manœuvres d’intimidation, « les filles », comme les appelle Manon Vion, déléguée CGT Vertbaudet, sont encore plus motivées par la colère qu’elles ressentent face à ces injustices.
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Vendredi 2 juin, après des mois de lutte face à la direction et face à une répression brutale, des accord sont enfin signés. Les 72 grévistes finissent par obtenir des augmentations de salaires, le recrutement en CDI de 30 intérimaires ainsi qu’une promesse d’absence de sanctions de la part de la direction.
Révolte pour Nahel !
Mardi 27 juin, Nahel est assassiné par la police. Nanterre s’embrase le soir même, puis la révolte s’étend dans les banlieues parisiennes et dans toute la France. Jeudi 29 juin avait lieu la marche blanche en hommage à Nahel. Au milieu des voix qui demandent justice à l’unisson, deux manifestants interrogés reviennent sur la réalité de la police en France : une police raciste dont la violence s’abat tous les jours dans les quartiers populaires.
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Nos entretiens
La garde à vue pour décourager les miliant·es
Dans un contexte de forte mobilisation contre la réforme des retraites depuis janvier dernier, la répression du gouvernement sur les militant·es, déjà bien en place depuis les Gilets jaunes, s’intensifie. Les interpellations en manif sont monnaie courante et les manifestant·es se retrouvent bien souvent en garde à vue dans des conditions difficiles. Anne-Sophie Simpere, chargée de plaidoyer pour différentes ONG et co-autrice du livre “Comment l’État s’attaque à nos libertés“, revenait, au micro de Nina Nowak, sur la pratique de la garde à vue comme outil politique du gouvernement pour contrôler les mouvements sociaux.
La répression judiciaire comme outil politique
Suite aux révoltes dénonçant le meurtre de Nahel, le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, fait publier le 30 juin dernier une circulaire dans laquelle il exige « une réponse pénale rapide, ferme et systématique ». Afin de saisir la mesure de cette consigne, nous sommes allé·es au tribunal judiciaire de Créteil à la rencontre de Coline Bouillon, avocate au barreau du Val-de-Marne. Un entretien de Kaïna Benbetka.
Chroniquer les violences judiciaires, entretien avec la Sellette
Avec Jonathan Delisle et Marie Laigle, auteur.es de l’ouvrage Sur la sellette, Chroniques de comparutions immédiates, nous revenons sur les origines politiques de ces procédures de jugement accéléré qui semblent être au cœur de la violence judiciaire passée et actuelle.
Un dossier réalisé par Pierre-Louis Colin.