Le 26 septembre 2021 à Rouen, des riverain‧es mobilisé‧es se rassemblent pour célébrer un funeste anniversaire. Deux ans après l’incendie de Lubrizol & Normandie Logistique, iels dénoncent l’opacité qui entoure toujours les circonstances de la catastrophe, mais aussi le manque de soutien de l’État et l’absence de suivi sanitaire. Pendant ce temps, les industriels ont repris le business as usual.
Les images de l’incendie ont fait le tour du pays. Des habitant·es calfeutré‧es chez elle·ux, ou fuyant massivement la ville. Des pluies de suie noire, un nuage de fumée chimique long de 22 kilomètres. Une odeur d’hydrocarbure insoutenable qui accompagne les habitant·es de la métropole rouennaise pendant des mois. Le 26 septembre 2019 reste gravé dans la mémoire collective. Deux sites industriels sont touchés : l’usine de Lubrizol, géant américain des additifs pour essence, et les entrepôts de Normandie Logistique – qui stockait sans le déclarer des produits Lubrizol, comme l’a montré l’enquête du média indépendant le Poulpe.
Deux ans après, un industriel toujours silencieux
Deux ans après, sur les lieux de l’incendie. Devant l’usine, les vigiles se retranchent à notre arrivée derrière des grilles cadenassées. Les consignes sont claires : « ce n’est pas contre vous, vous faites votre travail, mais on ne parle pas aux journalistes. »
Cette façon de faire est à l’image de ce que renvoie l’industriel selon les membres de l’association des sinistrés de Lubrizol : un sentiment d’opacité et d’impunité. Pourtant, l’alerte avait déjà été lancée dans les années précédant l’incendie. C’est la DREAL, organisme de l’État chargé du contrôle des risques industriels qui pointait le risque dans un rapport. Sans que cela amène à une mise aux normes ou à des sanctions pour Lubrizol. Cet organisme de contrôle, sous-doté en moyens, n’a pas pu assurer le suivi des dossiers.
Les réponses de Lubrizol sur les causes de l’incendie se font attendre
Du côté des habitant·es, difficile de se satisfaire des explications officielles de l’industriel et des pouvoirs publics. Les heures suivant l’incendie, les prises de paroles des ministres sont contradictoires. Et deux ans plus tard, il manque toujours des documents essentiels pour éclairer l’enquête. En premier lieu l’étude de danger.
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Parmi les grands absents figure également la liste exhaustive des produits partis en fumée la nuit du 26 septembre 2019. Ce document, pourtant versé par Lubrizol à la procédure judiciaire, apparait partiellement caviardé. « Je me l’explique par la volonté des industriels de ne pas dévoiler leurs secrets de fabrication » avance Charlotte Goujon, maire de Petit-Quevilly, commune sur laquelle est située un tiers de la surface de l’usine.
Sans la liste des polluants, impossible de savoir où, et quoi chercher. Par défaut, les pouvoirs publics ont préféré rassurer, et sont passés à côté de la possibilité de réaliser des prélèvements. Ceux-ci auraient pourtant été nécessaires selon les riverain‧es, à la fois dans l’environnement de la métropole rouennaise et chez les habitant‧es touché‧es par les retombées toxiques. Face à cette défaillance, les collectifs locaux ont collecté eux-mêmes des échantillons de polluants qu’ils font analyser par des chercheur‧euses de l’Université de Rouen. Une initiative citoyenne qui espère faire éclater la vérité, malgré les réticences de Lubrizol et des autorités.
Ce reportage est mené dans le cadre d’un partenariat entre Radio Parleur et La Revue Dessinée. A l’occasion des deux ans de la catastrophe industrielle de Lubrizol, une enquête des journalistes Gilles Triollier et Manuel Sanson du Poulpe figure en version illustrée dans La Revue Dessinée. A retrouver dans le numéro d’Automne 2021 de la Revue.
Un reportage de Léone Laali pour La Revue Dessinée et Martin Duffaut pour Radio Parleur. Photo de Une : Léone Laali.