Ibis Batignoles

Sylvie Kimissa, femme de chambre à l’Ibis Batignolles : “Nous sommes les fondations”

Cet été Radio Parleur était à l’Université d‘été des mouvements sociaux et des solidarités à Nantes. L’occasion pour Sylvie Kimissa de nous raconter le combat victorieux des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles, après 22 mois de grève et un accord historique.

Cette lutte, c’est d’abord l’histoire d’un combat face à un géant de l’hôtellerie. Le groupe Accor est en effet le 2e groupe mondial du secteur. Très tôt, le déséquilibre du rapport de force apparaît dans toute sa démesure. Face au leader français de l’hôtellerie, ils et elles sont trente-cinq à entrer en grève le 17 juillet 2019. Avec l’usure du temps, le nombre des grévistes à l’Ibis Batignolles passe à 24. En décembre 2019, il n’y a finalement plus que dix-sept femmes de chambre, deux gouvernantes et un équipier grévistes. C’est le début d’une lutte acharnée, qui va durer deux ans. Pour finalement se solder par un accord historique avec leur employeur, le 24 mai 2021.

« Si on ne se lève pas, personne ne va le faire à notre place »

Les raisons de la colère sont de première importance. Elles concernent en premier lieu les conditions de travail de la sous-traitance. L’un de leurs slogans le résume d’ailleurs : « la sous-traitance, c’est de la maltraitance. » Salariées de la société STN, les femmes de chambres de l’hôtel Ibis dénoncent ainsi un traitement dégradé par rapport à celui des salarié‧es du groupe Accor, qui travaillent pourtant sur le même site. « Les cadences étaient infernales. Tu te retrouves avec 30 à 40 chambres à faire, et on te paie a la tâche. On faisait 3,5 chambres à l’heure. Nous étions payées à la tâche et non au temps de présence sur le site. » Une bataille s’engage. Et l’ambiance n’est pas vraiment au dialogue côté employeur. Les grévistes comprennent que le combat va durer.


Sur le même thème, écoutez notre reportage sur l’Actu Des Luttes : Ibis Batignolles en grève : « la sous-traitance, c’est l’exploitation »


S’organiser avec un syndicat : la CGT-HPE

Après quelques déboires avec la CGT-propreté, c’est finalement vers la CGT Hôtel Prestige Économique (CGT-HPE) qu’elles se tournent pour les accompagner dans leur lutte. La CGT-HPE a une particularité dans ses statuts. Elle prévoit la présence d’une caisse de grève, qui permet aux grévistes de s’organiser sur un temps long. « Quand vous allez en lutte et que vous n’avez rien dans les poches, je ne crois pas que la lutte va durer. La CGT-HPE a mis en place une caisse de grève qui nous a soutenu jusqu’à la fin. » Les différentes cagnottes finalement réunissent 284 000€. Sur leur lieu de travail, un planning de rotation est mis en place pour soulager les grévistes qui fatiguent.

5e jeudi de la colère
Les femmes de chambre de l’hôtel Ibis venues en soutien des employés du Westin Paris Vendôme lors du cinquième rassemblement des jeudis de la colère devant le Prince de Galles, Paris. Credit: Nabil Izdar pour Radio Parleur.

L’apport de la CGT-HPE dans la lutte se caractérise aussi par une stratégie de sensibilisation de l’opinion publique sur les pratiques salariales du groupe Accor. Objectif : rendre visibles les invisibles. Les grévistes se mobilisent donc à l’occasion des mouvements sociaux et jusque dans les halls d’hôtel du groupe, avec des opérations coup de poing visibles par les client‧es.

À l’Ibis Batignolles, « une victoire pour toutes les femmes qui travaillent »

Pour Sylvie Kimissa, le constat est sans appel : « sans les femmes de chambre, les hôtels ne sont rien. Nous sommes les fondations des hôtels. » Et l’enjeu est de taille, car « ce qui se passe à l’Ibis Batignolles ne se passe pas uniquement à l’Ibis Batignolles. » Car la bataille des femmes de chambres est aussi celle de femmes issues de l’immigration. Sylvie Kimissa les invite d’ailleurs à suivre leur chemin jusqu’à obtenir leur dû.

Un entretien réalisé par Nabil Izdar et animé par Tristan Goldbronn. Photo de Une : Nabil Izdar pour Radio Parleur.

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