Suite à une longue mobilisation populaire, le Chili s’apprête à changer de Constitution. Mais chez les militantes féministes, à la pointe du mouvement social de 2019, l’heure est au doute. Une nouvelle Constitution suffira-t-elle à mettre fin à l’oppression machiste et à la précarité ?
Le 25 octobre 2020, les Chilien·nes ont massivement voté par referendum en faveur d’une nouvelle Constitution. Ce « plébiscite» – c’est le terme consacré – permet enfin au pays de tourner la page de la dictature. En effet, malgré la chute de Pinochet, le texte fondamental n’avait pas évolué depuis 1980. Cette victoire, le peuple chilien l’a obtenue par la lutte. En particulier par l’Estallido Social, les mobilisations massives contre la précarité et les violences d’octobre 2019.
Le referendum est une conséquence directe du soulèvement social de 2019, mais la revendication est plus lointaine. Tous les mouvements sociaux au Chili depuis 40 ans dénoncent les pleins pouvoirs donné aux secteurs privés et aux organes de répression par le texte. Pour eux, aucun changement structurel ne peut advenir tant que le texte est en vigueur. Ainsi, le plébiscite du 25 octobre apporte une réponse à deux questions : celle d’une nouvelle Constitution, et la façon dont elle sera écrite.
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Les mouvements féministes en fer de lance du mouvement social
Le nouveau texte ne sera pas adopté par les parlementaires actuels, mais par une convention constitutionnelle composée de citoyen·nes élu·es. Face au risque de voir leur radicalité récupérée par les partis politiques traditionnels, le mot d’ordre des mouvements populaires et féministes : être stratégique. D’abord, en restant lucides sur les limites du processus constitutionnel. Ensuite, en se rappelant que la puissance de l’Estallido Social réside d’abord dans les assemblées territoriales – les cabildos – et dans les organisations créées dans le sillage des manifestations. « C’est à partir de cette base d’organisation que nous créons du pouvoir politique, nous pourrons mener des changements plus radicaux dans le futur » assure Beatriz, survivante de la dictature et militante féministe.
Les mouvements féministes, déjà très importants dans le pays durant les mois précédents la révolte de 2019, ont mobilisé massivement durant l’Estallido, et représentent désormais une force politique majeure au Chili. Une force qui n’est pas prête de s’épuiser. Pour Jesu, militante féministe à Ancud, sur l’île Chiloé : « l’important n’est pasce que nous allons pouvoir intégrer ou non à cette nouvelle Constitution, mais surtout de savoir qu’on va continuer à s’organiser. Que les tissus d’organisations soient plus et pérennes, pour tout ce à quoi nous allons faire face dans le futur ».
Un reportage de Léone Laali. Prises de sons: Léone Laali & Mélaine Fanouillère. Photo de Une : Mélaine Fanouillère pour Radio Parleur.
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