Nuit Debout, Gilets jaunes, convention citoyenne sur le climat ou encore le coronavirus : internet joue un rôle central dans la mise en lien des individus, des idées et des revendications. Avec Clément Mabi, chercheur spécialiste de la participation politique en ligne, on interroge ce glissement. Désormais, les mobilisations doivent-elle forcément passer par la case numérique ?

Depuis une quinzaine d’années, de Nuit Debout à Black Lives Matter, tous les mouvements sociaux utilisent internet pour se coordonner, organiser les débats et se structurer. Un phénomène nouveau, mais qui ne date pas d’hier. Militants et militantes cherchent entre autres à produire leur propre discours médiatique, à devenir leur propre média. Un moyen de raconter leur expérience de la lutte avec leurs mots, de produire un contre-discours. Les mobilisations sociales et politiques s’appuient ensuite sur la mobilisation de réseaux sociaux (comme Facebook et Twitter) pour les relayer.


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Une culture du débat public renouvelée par le numérique

En 2005, en France, les principaux médias et partis politiques militent en faveur du oui au traité européen. Mais c’est finalement le non qui l’emporte. « En ligne et sur internet, on se rend compte qu’une myriade de blogs militent et discutent pour le non. Là, on a commencé à se demander si c’était pas un espace de discussions et de délibérations qu’on avait pas vu », souligne Clément Mabi. Ségolène Royal flaire le coup, et lance la première campagne numérique : Désirs d’avenir. « Ensuite on a une montée en puissance avec Obama, la campagne d’Axelle Lemaire ou encore le Grand Débat ». Aujourd’hui, le numérique est un outil incontournable pour les mobilisations, qu’elles soient citoyennes, institutionnelles ou populaires.

La « démocratie participative numérique » : au service de qui ?

« Les réseaux sociaux changent notre rapport au débat public. Mais aussi à la façon dont notre société s’empare de sujets et en discute ». Le numérique et son idéologie changent aussi l’implication des citoyen·nes et leur rapport au politique. Au point de créer une véritable culture de la démocratie participative en France. Pour répondre à la demande, de nombreux acteurs ont émergé ces dernières années, aux profils politiques parfois antagonistes. « On voit progressivement se structurer une communauté … ou un marché » sourit Clément Mabi. De la consultation directe à la pétition en ligne, en passant par la Convention Citoyenne pour le Climat, les dispositifs de participation citoyenne se multiplient. Et des entreprises aux modèles variés se partagent le secteur. Mais elles restent très dépendantes financièrement des pouvoirs publics. Quitte à risquer le « civic washing » lorsque les gouvernant·es tentent de se les approprier.

Clément Mabi est maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’UTC de Compiègne. Ses recherches portent sur la participation politique en ligne et les usages citoyens du numérique. Récemment, il a travaillé sur l’Open data, l’usage du numérique dans les dispositifs de concertation, le développement du « Gouvernement Ouvert » et les civic tech.

Un entretien réalisé par Tristan Goldbronn. Photo de Une : Capture d’écran de la page d’accueil du site internet de la plateforme Le Vrai Débat.

 

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