Alors que le projet de loi de Bioéthique est présenté cette semaine en deuxième lecture devant l’Assemblée Nationale, retour sur sa mesure phare : l’ouverture de la Procréation Médicalement Assistée (PMA) pour les couples lesbiens et pour les femmes seules. Une possible avancée même si le calendrier législatif reste flou et que des inégalités subsistent dans ce texte.
Les discussions reprennent ce 27 juillet à l’Assemblée Nationale sur le projet de loi de Bioéthique. Un travail parlementaire déjà reporté plusieurs fois, le remaniement du début du mois ayant encore retardé cette deuxième lecture. Pourtant, après le vote du mariage et de l’adoption en 2013, la PMA, l’une des promesses électorales d’Emmanuel Macron, aurait dû être la suite logique. Le parcours pour les couples lesbiens reste aujourd’hui long, coûteux et complexe.
Actuellement, les couples hétérosexuels peuvent d’ores et déjà recourir à une PMA ; il s’agit juste de l’ouvrir à toute personne en capacité de porter un enfant. Le projet de loi a pour objectif de faciliter le parcours médical en ouvrant la PMA à toutes les femmes, mais également le parcours juridique de filiation et d’adoption. La PMA avec don de gamètes existe déjà, il suffit pour les législateurs d’autoriser toute personne en faisant la demande à y recourir. De même, la filiation sécurisée avec un parent qui n’est pas le parent biologique existe déjà, dans les couples hétérosexuels ; une décision législative permettrait d’en faire bénéficier toutes les personnes engagées dans un parcours de PMA.
Stéphanie, en couple depuis 11 ans avec sa compagne MC, raconte sur le compte Instagram Demande à tes mères le quotidien de ce qu’elle décrit comme « famille étrangement banale ». Leur fille Alix est issue d’un parcours de PMA en Espagne, et leur deuxième enfant est attendu en octobre. Selon elle, l’ouverture de la PMA à toutes facilitera grandement les choses : « c’est quand même plus simple d’aller au centre PMA qui se trouve à une demi-heure de chez moi que d’aller à Barcelone quand on habite à Lyon ». La loi est aussi l’occasion, pour elle, « de donner la possibilité aux femmes de gérer elles-mêmes leur fertilité ».
Faire reconnaître la filiation de l’enfant, un parcours administratif complexe
La filiation de leur fille Alix pour être adoptée par sa seconde mère, celle qui n’a pas porté l’enfant, a suivi un parcours juridique précis « qui varie selon les tribunaux ». Il faut justifier de 6 mois de vie commune, être mariées, fournir « de nombreux documents », des témoignages de 15 personnes « attestant de la vie commune de la mère sociale et de l’enfant » et même « un reportage photo ». À Lyon, pas d’enquête sociale ni d’audience devant le juge, mais cela se fait ailleurs.
Si la loi à venir « marque une avancée » explique Stéphanie, elle ne résout pas tous les problèmes. Tout en facilitant la reconnaissance de filiation en amont de la naissance, sans passer par une procédure d’adoption, elle laisse inscrite une différence entre couples lesbiens et couples hétérosexuels ayant recours à une PMA. Pour les premières, l’inscription de la procédure sur l’acte de naissance sera obligatoire, a contrario des couples hétérosexuels. Pour Stéphanie, « mettre tous les enfants issus de la même technique de conception sur un pied d’égalité, ça aurait été une bonne idée ».
Maitre Émilie Duret est avocate spécialiste en droit des familles homoparentales. Elle revient sur ce projet de loi particulier, et notamment sur cette inégalité inscrite dans la loi : « ce système de reconnaissance de l’enfant [qui existe déjà pour les couples hétérosexuels, ndlr], on a choisi de ne pas l’étendre aux couples de femmes, ce qui n’a aucun sens puisqu’en réalité le dispositif pourrait s’appliquer exactement de la même façon” explique l’avocate, “on a décidé que non les couples de femmes lesbiennes ne rentreraient pas dans le système de droit commun, on a créé une modalité spécifique qui ne s’applique qu’à elles et pour moi ça ne se justifie en absolument rien ».
Avec ce projet de loi, “il n’y pas de révolution”
Maitre Duret ajoute : « je ne comprends pas comment on a pu passer à côté d’une extension parfaite des droits pour l’égalité entre tous les couples ». De plus, lancer une révision complète des lois de bioéthique semble assez superflu : « l’ouverture de la PMA à toutes les femmes ne nécessitait pas une révision de ces lois, le processus existe déjà, il n’y a donc pas de révolution ».
La procédure d’adoption actuelle force « l’autre à passer par une procédure d’adoption de son propre enfant », avec des conditions, des frais financiers, et « des délais longs qui permettent à des conflits d’exister entre les futurs parents ». De plus l’obligation au mariage est jugée aberrante : « la liberté de se marier devrait exister pour les hétéros comme pour les homos, or on a pas seulement autorisé le mariage en 2013, on a contraint au mariage, pour l’adoption ».
Des inégalités incompréhensibles
Autre volet de la loi, l’auto-conservation des gamètes, pour l’instant toujours interdite mais réinscrite dans le projet après le dernier passage du texte en commission parlementaire. Pour Maître Duret, si la mesure n’est finalement pas adoptée, ce serait refuser aux femmes de pouvoir « contrôler leurs corps, contrôler leur future fertilité ».
L’interdiction de l’ouverture de la PMA aux personnes trans est un autre interdit : « c’est un choix politique, et c’est un mauvais choix parce que les personnes trans comme les personnes cis devraient pouvoir bénéficier de la PMA. Ces situations familiales existent, et il faut les sécuriser ». Le plus alarmant dans cette situation selon l’avocate c’est que lorsqu’on « rechigne à faire avancer des droits, c’est toujours les enfants qui trinquent ».
Un reportage de Sophie Peroy-Gay, voix : Martin Bodrero, photo de Une : Marc Estiot pour Radio Parleur.
- 15
- 0
- 2
La production de ce sujet a nécessité :
Parleur sur le pont
L’info indépendante a un coût, soutenez-nous