Iels veulent déboulonner Faidherbe. Le collectif Faidherbe doit tomber demande le déboulonnage de la statue du général, à Lille, dans le sillage du mouvement pour une décolonisation de la mémoire et de l’Histoire française. Samedi 20 juin, à Lille, iels n’ont pas pu approcher de la statue, sous bonne garde.
Parmi les association qui ont appelé au rassemblement, l’Atelier d’Histoire Critique, le Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires (FUIQP), le Collectif Décolonial Déterminé, l’association Survie Nord, ainsi que le Comité des Sans Papiers 59.
« C’est par la terreur que la colonisation s’est faite en Algérie et au Sénégal »
« Le général Faidherbe s’est formé en Algérie. Il faisait partie du corps d’armée de Bugeaud, qui s’est illustré pour avoir enfermé puis enfumé des villages entiers dans des grottes. » raconte Saïd Bouamama, sociologue et militant au FUIQP. « C’est quelqu’un que tout petit écolier a appris comme étant un grand homme. On lui a enseigné que Faidherbe était un administrateur, un bâtisseur colonial. On ne lui a pas appris l’autre face de Faidherbe, celui qui a massacré des villages, qui a détruit, qui a brûlé, qui n’hésitait pas à tuer même le bétail. »
Prendre sa place dans le récit national
Figure controversée de la colonisation française, le général trônait jusqu’ici impunément sur la place Richebé. A Lille, dont il est originaire, Faidherbe a également son nom à une statue, un lycée et à une rue. Pourtant, depuis plusieurs années, des historien·nes et des militant·es contestent la glorification de Faidherbe. Massacres, famines, régime de la terreur : c’est par la destruction et le racisme qu’il a administré le Sénégal.
Pour Nicolas, de l’Atelier d’Histoire Critique, l’enjeu n’est pas seulement de rompre avec le mythe du colon civilisateur. Il faut repenser globalement les récits nationaux. « Aujourd’hui, avec les différentes manifestations anti-racistes, la France rompt un peu avec cet universalisme désincarné qu’elle hérite de la période coloniale. Il y a différents récits qui doivent prendre leur place dans la narration de l’histoire nationale. La France est un pays multiracial, et nos ancêtres n’étaient pas tous des gaulois. »
« La colonisation, on en voit encore les traces très profondes sur le continent africain et sur le continent européen »
« Le racisme systémique qui existe en France est issu de la colonisation. A partir du moment où il a fallu justifier la colonisation, il a forcément fallu faire passer ça pour une mission civilisatrice, qui devait apporter la connaissance à des peuples, à des “races”, jugées inférieures » explique Nicolas Butor, de l’association Survie Nord. Il ne s’agit donc pas seulement de repenser les récits du passé. Les rapports contemporains entre la France et le continent africain sont également en cause. « Il y a une statue de Faidherbe à Saint Louis du Sénégal. Vous imaginez, sans faire de parallèle douteux, s’il y avait en Pologne une statue d’Adolphe Hitler ? C’est ça, aujourd’hui, la situation du Sénégal ».
« L’espace public n’est pas neutre »
« Si nous laissons banaliser une histoire qui est une histoire de l’oppression, ça contribue à nous défavoriser par rapport aux classes dominantes, qui écrivent l’histoire. » affirme Saïd Bouamama. « Nous le disons pour la colonisation, mais nous le disons aussi pour d’autres aspects. On a encore des rues Thiers, massacreur de la Commune, des rues de sexistes notoires qui sont encore présentes. Donc la question de qu’est ce qui est autorisé, valorisé ou interdit dans l’espace public, est essentielle. »
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« L’extrême droite a bien compris ce que signifie avoir un Faidherbe ou ne pas l’avoir. »
Avant même le début du rassemblement, les forces de police ont formé un cordon sanitaire autour de la statue, repoussant les manifestant·es de l’autre coté de la rue. D’un côté, l’immense statue du général Faidherbe, protégée par la police, et une poignée de militant·es d’extrême droite, venu·es bière à la main. De l’autre, quelques centaines de manifestant.es, rassemblé.es derrière une banderole « Qui veut (encore) célébrer le colonialisme ? 200 ans ça suffit ! ». Après une heure d’observation ponctuée de quelques insultes, l’un des militants identitaires décide de traverser la rue pour en venir aux mains. Il est suivi par les CRS qui chargent le rassemblement, puis ordonnent sa dispersion. Après négociations, les manifestant·es restent autour de la fontaine et poursuivent dans le calme prises de parole et slogans.
Reportage de Justine Mascarilla. Photo de Une : Justine Mascarilla pour Radio Parleur.