La manifestation annuelle du comité des privé·es d’emplois de la CGT a pris samedi un tournant particulier, dans un contexte de grève intersyndicale contre la réforme des retraites, de la réforme drastique de l’assurance-chômage et de l’acte 56 des Gilets Jaunes.
Environ deux mille manifestant·es se sont rassemblé·es samedi dernier, le 7 décembre 2019, à Montparnasse à Paris pour manifester contre la précarité et le chômage pour la 17e année consécutive.
Pierre Garnodier, le secrétaire général du comité des travailleurs·euses privé·es d’emploi et précaires de la CGT, lance la manifestation aux alentours de 14h en rappelant les effets de la réforme de l’assurance-chômage entrée en vigueur partiellement le 1er novembre dernier. Celle-ci prévoit la restriction des conditions d’accès et de rechargement des allocations. Un nouveau mode de calcul de l’indemnité journalière entrera en vigueur en avril prochain et provoquera une baisse importante du montant moyen d’indemnisation : « Au 1er avril 2020, ce sont 750 000 chômeurs qui vont voir leur indemnisation baisser de 30% à 50% ».
Beaucoup de soutien, mais peu de chômeurs
On aperçoit dans la foule des cortèges de pigistes, d’étudiant·es de Paris 7, de cheminot·es. Laurine, étudiante salariée, enchaîne les boulots saisonniers et le travail de nuit pour financer ses études. « Dès mes 16 ans, j’ai commencé à travailler. Ces petits boulots vont compter dans ma retraite et vont baisser ma pension. Pareil pour le chômage ».
Des retraité·es, intermittent·es, salarié·es du secteur privé sont aussi venu·es en solidarité car « le chômage nous concerne tous. On a tous été précaires au début de notre carrière. On a tous un proche dans cette situation. Personne n’est à l’abri de se retrouver au chômage ».
Pourtant, la mobilisation est faible au regard des presque six millions de chômeurs actuels. Malvina Majoux est manifestante, avocate en droit social et membre du Syndicat des Avocats Français. Elle explique que « les chômeurs ont pour beaucoup d’entre eux intériorisé le fait d’être coupables de leur chômage, ce qui est totalement faux. On leur a tellement répété depuis des années qu’ils étaient des assistés, le cancer de l’assistanat, qu’ils ont énormément de mal à se mobiliser. Il faut absolument que les chômeurs arrivent à se fédérer parce qu’ils sont une force numérique. Ils sont des millions ».
Christian, conducteur de train, est venu en soutien à ses collègues agents de gare. « Ils ont la corde au cou : ils sont soit en CDD soit intérimaires, et je peux comprendre que ce soit des personnes qui ne se mobilisent pas, parce que c’est impossible. Pour certains, leur CDD ne sera pas renouvelé. Les intérimaires à la limite on peut les virer ».
Convergence avec les Gilets Jaunes empêchée
Le même jour se déroulait l’acte 56 des Gilets Jaunes, qui avaient déclaré vouloir rejoindre le cortège syndical, suite à un appel à la convergence de la part de la CGT le jeudi 5 décembre, grande journée de grève intersyndicale. Pourtant, la convergence a été empêchée à la suite d’une intervention policière. Pierre est agent RATP et témoigne : « J’étais parti sur une manifestation Gilets Jaunes. On a voulu faire une convergence des luttes pour rejoindre la manifestation syndicale. On a été empêché. Ils nous ont nassés, ils nous ont gazé, ils ont utilisé les matraques ».
Lucile est arrivée à Montparnasse en car, affrété pour les militant·es lyonnais·es. Le bus traverse la marche des Gilets Jaunes encadré par la police, qui empêche ensuite toute tentative de mélange des cortèges. Lucile raconte que les brigades policières « se sont reformées et ont chargé et gazé les Gilets Jaunes. Notre bus a continué son chemin ».
Cette journée de mobilisation, bien qu’annuelle, s’inscrit cette année dans un contexte plus large de remise en cause de la réforme des régimes de retraite, et par extension, du système de protection sociale. Vincent Victoria, retraitée Pôle Emploi et militante CGT explique : « C’est l’ensemble de cette société qu’on essaye de désorganiser. On casse les statuts, on casse la protection sociale. On veut faire en sorte que les salariés d’un jour acceptent d’être les chômeurs de demain et les mal indemnisés d’après-demain, et ça c’est pas possible ».
Un reportage de Alix Douart
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