Pendant 3 jours, environ 500 Gilets Jaunes se sont réunis à Montpellier pour la quatrième Assemblées des Assemblées. Ensemble, ils et elles ont travaillé aux suites à donner à un mouvement historique qui soufflera sa première bougie le 17 novembre.
“Ici c’est la véritable Assemblée nationale !” dans un sourire, Jeanne réajuste son gilet. La plénière d’ouverture de l’Assemblée des Assemblées vient de se terminer. Pendant plus d’une heure l’équipe des Gilets Jaune de Montpellier, qui organisent l’événement, a détaillé le programme. Trois jours de travail attendent les délégué.e.s arrivé.e.s vendredi matin dans l’Hérault. “Tout le monde va donner son avis, échanger, s’engueuler aussi parfois, on se dit les choses, c’est vivant et ça nous fait grandir”, lance Jeanne. Habitante du Finistère, elle a fait plus de 9 heures de route pour venir. “Je ne pouvais pas rater ça, le mouvement Gilets Jaunes m’a redonné espoir dans l’avenir, je veux participer à son évolution”.
Cette Assemblée des Assemblées prend place dans un lieu occupé illégalement. Un ancien musée agricole vide depuis 10 ans. L’équipe organisatrice a travaillé toute la semaine pour rendre l’endroit praticable. L’événement est organisé autour d’une zone centrale circulaire surmontée d’une maquette géante de la planète terre. Les groupes de discussions occupent les espaces alentours. Au murs s’étalent un étrange mélange d’affiches du mouvement Gilets Jaunes et de vieux panneaux pédagogique sur l’alimentation. Franck, membre de l’équipe d’organisation, s’exprime à la tribune de l’assemblée. “On aurait aimé faire les choses légalement mais on a eu aucune réponse à nos demandes de la part des pouvoirs publics, ils nous méprisent mais ça ne nous empêche pas d’être là.”
Forger des outils pour agir ensemble
“Marguerite ! Qui ne trouve pas sa marguerite !” l’appel résonne régulièrement dans les allées de l’assemblée. Les Marguerites, c’est le petit nom du système de travail mis en place par l’organisation. “Dans les précédentes assemblées, il y avait de la frustration car certains venaient de loin pour finalement ne pas pouvoir suffisamment prendre la parole”, explique Christophe membre des Gilets Jaune de Montpellier. “Là, on essaye de démultiplier les occasions de parler. Les participant.e.s vont se réunir en petits groupes de 10 personnes sur les thématiques qui les intéressent, c’est ce qu’on appelle des pétales. Ensuite, ils et elles formeront des marguerites pour chaque thème et finalement viendront présenter une synthèse, dimanche, à la plénière finale de restitution”.
Ambitieux, le système n’est pas toujours bien compris par les délégués Gilets Jaunes. Pourtant peu à peu les groupes se forment et les échanges démarrent. Les thématiques sont multiples. Parmi-elles, on retient l’axe “renouer avec la population” ou un autre “qui sont nos alliés et nos adversaires ?”. A l’extérieur du bâtiment, Camille fume une cigarette. Elle vient de Grenoble en Isère et sort à l’instant d’un des groupes de travail. “La démocratie c’est compliqué, il y a des points de vue difficiles à entendre et à supporter, mais on arrive à se parler, on veut construire ensemble et c’est formidable”.
Contrairement aux précédentes assemblées qui avaient passé beaucoup de temps sur les valeurs politiques du mouvement, à Montpellier ce sont surtout des questions concrètes qui sont débattues. Objectif : aboutir à des propositions précises, applicables immédiatement par les collectifs locaux. “On a énormément de respect pour les trois premières assemblées, mais on voulait sortir de l’impératif de l’appel politique”, détaille Franck. “Là, on cherche plutôt à forger des outils pour la suite du mouvement. On va évoluer, peut-être même qu’à terme on ne va plus s’appeler Gilets Jaunes ou autres mais on doit inscrire dans la durée l’énergie qui nous anime”.
L’anniversaire du 17 novembre, la grève générale du 5 décembre
Cette quatrième assemblée s’inscrit dans un calendrier particulier. “On sent que les débats sont très influencés par la proximité du 17 novembre”, analyse Dimitri, Gilet Jaune venu de Lyon. La date marque le premier anniversaire du mouvement et les Gilets Jaunes veulent marquer le coup. “Plus qu’un ordre précis d’actions, on va proposer plein d’idées applicables par les groupes locaux”, détaille au micro l’un des rapporteurs des ateliers de travail. Manifestation, occupation, festival culturel, rapprochement avec les quartiers populaires. Les idées pour la suite du mouvement sont nombreuses mais ne suffisent pas à satisfaire les délégués. “On veut voter un appel”, lance une voix dans la salle. “On vote ! On vote !” reprennent en choeur d’autres délégué.e.s. Au final l’idée d’un appel politique pour le 17 novembre et pour la grève générale prévue le 5 décembre par plusieurs syndicats est voté à main levé. Il sera rédigé après un échange de mail entre les groupes locaux.
La prochaine assemblée se déroulera à Toulouse, à une date encore indéterminée. Dans l’un des derniers ateliers du weekend, un homme se lève et prend la parole : “on doit le dire et le faire savoir. On a une bataille à mener et on doit continuer à le faire ces prochains mois en utilisant nos armes. Sinon on va se perdre et le système va continuer comme avant”. Le silence s’installe. Dans le groupe, personne ne répond. L’homme conclut : “c‘est même peut-être ce qui est déjà en train de se passer…”
Un reportage réalisé par Martin Bodrero
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