Le début de l’année 2023 a été marqué par le retour de manifestations conséquentes contre la réforme des retraites. Parmi les nombreux cortèges syndicaux, celui du Pink bloc. Cortège destiné aux personnes LGBTQIA+, iels mènent un double combat : permettre au mouvement de contestation sociale de s’emparer des luttes LGBTQIA+ et aux LGBTQIA+ de s’emparer de la question sociale du travail. C’est ce que nous expliquent des militant·es des collectifs “Inverti·e·s”, “Queer parlons travail” et “Saclay queer en lutte”. Iels reviennent sur les raisons de l’existence de ce cortège dont les rangs grossissent progressivement et qui met le feu en manif.

Des jeunes LGBTQIA+ qui se retrouvent à la rue, isolé·es de leur famille. Des personnes atteint·es du VIH/SIDA, en grandes difficultés arrivé·es à l’âge de la retraite. D’autres encore qui font face à des problèmes d’ordre administratif lors, par exemple, d’un changement d’état civil. Des personnes en situation de précarité, poussé·es à la freelance, l’auto-entreprenariat, etc. Confronté·es, de surcroît, à des discriminations quotidiennes liées à leur identité de genre ou à leur orientation sexuelle… Les problèmes spécifiques auxquels sont confrontées les personnes LGBTQIA+ dans le monde du travail ne peuvent et ne doivent plus être ignorés. Ces difficultés entraînent des conséquences directes sur leurs retraites. C’est pour cette raison que différents collectifs se mobilisent dans le mouvement social contre la réforme des retraites : « Les questions LGBTI ne sont pas des luttes annexes, nous rappelle Mimosa, membre des Inverti·e·s. Les LGBTI sont concerné·es aussi par ce qui touche au travail. » Leur objectif est double : faire prendre conscience aux syndicats et manifestant·es des luttes « traditionnelles » que leurs luttes convergent, mais également elleux-mêmes prendre la place qui leur revient de droit et se réapproprier la question sociale de la lutte des classes.

Actions multiples et présence forte en manif

Cortège déjà bien existant depuis plusieurs années en France lors de différents mouvements sociaux, le Pink bloc est revenu en force début 2023 à la suite du lancement de la tribune « Pour une retraite radieuse des LBGTI », signée par plus de 140 personnalités et collectifs LBGTQIA+ sur le Club de Médiapart le 17 janvier 2023. Ce mouvement a pour but de visibiliser les luttes LGBTQIA+ au sein de la mobilisation contre la réforme des retraites : il s’agit de s’emparer de « l’axe économique et social auquel on ajoute l’axe sociétal des luttes queer et féministes » précise Felineau, de Saclay Queer en Lutte. Et pour ce faire, les différents collectifs n’ont pas lésiné sur les moyens d’action : manifestes, tribunes, assemblées générales en mixité choisie, points d’informations, cortèges sécurisés, pancartes, slogans, revendications claires… Comme le dit Al de Queer Parlons Travail, « ce n’est pas seulement le Pink bloc, c’est aussi tout ce qu’on fait à côté ». Les LGBTQIA+ n’ont pas attendu qu’on vienne les chercher pour s’organiser, et leur militantisme va au-delà des manifestations ponctuelles. Beaucoup sont par exemple syndiqué·es, souhaitent s’organiser ensemble et proposer un espace collectif afin de créer des ponts entre personnes parfois isolées et qui rencontrent les mêmes problématiques.

Depuis le 19 janvier, à chaque nouvelle manifestation, leurs rangs grossissent, en partie grâce à leur organisation et à leur détermination. Parce qu’iels ont des revendications claires, parce qu’iels s’emparent de la lutte, parce qu’iels proposent un cadre safe qui importe à beaucoup de femmes et de personnes issues de minorités de genre, mais aussi et surtout parce qu’on les voit et qu’on les entend. Entre drapeaux multicolores, pancartes et banderoles pailletées aux slogans choc et provocants, impossible de les rater. Impossible surtout de ne pas avoir envie de rejoindre cette ambiance festive, bienveillante et vénère comme on aime.

Avant la manifestation, les collectifs LGBTQIA+ du Pink bloc proposent des ateliers pancartes à la Mutinerie. (photo : @Eireann_imagery)

Un reportage de Kaïna Benbetka et Nina Nowak. Photo à la une : @Eireann_imagery