Il y a encore six mois, Toulouse comptait une soixantaine de squats. Depuis la fin des confinements, les associations d’aide au logement dénombrent une vingtaine d’expulsions. Depuis plusieurs années, la ville connait pourtant d’important problème pour loger décemment ses habitant·es. Dans l’Actu des luttes cette semaine, on vous raconte une situation toulousaine, symbolique du mal-logement que connait notre pays.
Fin novembre, l’OBS, l’un des squats historiques de Toulouse, a frôlé l’expulsion de très près. Le lieu est occupé depuis 17 ans, et les habitant·es n’en sont pas à leur première menace d’expulsion. Finalement, le verdict est tombé, et un délai supplémentaire de plusieurs mois leur a été accordé par la justice avant de devoir quitter les lieux.
Névé, comédienne et TDS, nous a raconté le fonctionnement du squat, où elle vit depuis plus d’un an. Elle regrette : « Comme il n’y a pas d’équivalent de cet endroit à Toulouse, si là on perd ce lieu, en vrai c’est la merde. Il y a plein de gens qui arrivent aujourd’hui à l’OBS qui, il y a cinq ans, avaient accès à des appartements, et qui maintenant n’ont plus cette possibilité là ». Pour elle, habiter en squat était beaucoup plus un choix il y a cinq ans qu’aujourd’hui. À Toulouse d’après le journal local La Dépeche, les loyers ont augmenté de 12% depuis 2017 et en 2020, la ville a connue l’une des plus forte augmentation démographique de France.
Heureusement pour l’OBS, la justice leur a accordé la trêve hivernale alors que l’Etat avait demandé à ce que dans les 48 heures après le rendu du procès, tous les habitant·es soient expulsé·es. Pour Névé, la préfécture n’a simplement pas envie de gérer des questions d’hébergement social. « C’est hallucinant le nombre de logements sociaux qui appartiennent à l’Etat et qui sont vides. Ça fait dix ans que j’évolue dans les milieux squats et je n’ai jamais vu ça », raconte-t-elle. Dans la métropole, privé et social confondu, l’INSEE rescence plus de 4000 logements vides depuis plus de 2 ans. Si on élargit le compte à tout les logements vides depuis un an, on obtient 8,1 % de logements vides parmi les 296 000 rescencés sur la métropole.
Un « non-respect du droit»
Thomas Couderet est le cofondateur du Collectif d’Entraide et D’Innovation Sociale (CEDIS) et travaille sur les questions de logement à Toulouse. Il explique que le but du collectif était de mettre en évidence le nombre de bâtiment publics non-utilisés. Un chiffre à mettre en parallèle avec le nombre de personnes sans logement. Le militant dénonce : « En termes d’évacuations, le Ministre de l’Intérieur donne des consignes complètement illégales, puisque rien n’est officiel. Il n’y a aucun cadre légal pendant les évacuations qui ont eu lieu récemment. Ils sont en train de généraliser ce qui se fait à Calais ».
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Pour lui, les chiffres remontés par la préfecture à la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL) sont erronés « L’Etat refuse de compter les personnes en squat et en campement. Accepter de les compter, ce serait le premier niveau. Le deuxième, ce serait de les connaître au-delà du nombre: qui sont-ils ? De quoi ont-il besoin ? Le troisième, ce serait de trouver des solutions qui leur correspondent »
Dans les squats de Toulouse, l’instabilité au quotidien
A Toulouse, l’association humanitaire Médecins du Monde,sur le long terme, des familles concernées par le mal-logement. Les bénévoles rencontrent régulièrement un public à la rue, en squats, ou dans des lieux qui accueillent les mineurs non-accompagnés. Ils et elles observent que le fait d’être confrontés à des expulsions à répétition a un grand impact sur la stabilité et la santé mentale des personnes concernées, des familles et des enfants.
Nicolas Puvis est coordinateur du programme action mobile. Il raconte : « On sait qu’il y a des pressions policières. Les habitant·es rapportent que la police passe sur les lieux de vie informels pour pousser les gens à partir, en leur répétant qu’ils vont se faire expulser. Cela augmente évidemment l’anxiété et un climat de peur ». Il explique que dans certains cas, les personnes partent d’elles-mêmes avant même que l’expulsion ait lieu.
« Une rupture totale entre la réalité et le discours politico-médiatique »
Pendant six mois s’est déroulée une commission d’enquête sur l’accueil des personnes migrantes en France, présidée par le député de Haute-Garonne Sébastien Nadot. Il explique la méthode de travail mise en place : « On a commencé par interroger des personnes migrantes, puis des personnes demandeuses d’asile mais qui n’accèdent pas à leur droits, puis des personnes dans des squats qui ne peuvent pas être domiciliées et donc ne peuvent prétendre à aucune démarche administrative, ni à l’accès aux soins, ni aux besoins de base ».
La commission a abouti à un constat : « Non seulement on ne rend pas le service public qu’on devrait rendre, mais il y a une mise à l’écart des personnes étrangères qui viennent sur notre territoire. On a un ostracisme d’Etat qui est en marche à l’heure actuelle », dénonce le député.
En ce moment, les expulsions sont suspendues puisque la trêve hivernale dure depuis le 1er novembre. Mais les associations restent inquiètes pour l’avenir des squats et des bidonvilles de Toulouse. D’autant plus que le sujet passe pour le moment sous le radar des candidat·es à l’éléction présidentielle.
Un épisode de l’Actu des Luttes coordonné et présenté par Martin Bodrero. Reportage réalisé par Auriane Duroch et Lisa Giroldini. Photographie de Une : Auriane Duroch pour Radio Parleur.
Identité sonore Actu des Luttes : Etienne Gratianette (musique/création) et Elin Casse, Antoine Atthalin, Romane Salahun (voix)