À Aubervilliers, au nord de Paris, un projet de piscine  olympique pour les jeux 2024 menace les jardins des Vertus. Dans quelques années, un nouvel écoquartier doit prendre place sur ce jardin ouvrier de 36 hectares. L’occasion de « faire décoller » la ville, estime la mairie. On vous emmène donc suivre la lutte des jardinier‧es d’Aubervilliers, un combat pour préserver une friche cultivée depuis plus de 80 ans. Un pan d’Histoire commune, et l’un des rares espaces verts au milieu des tours de Seine-Saint-Denis.


La nouvelle est tombée juste après la défaite historique des communistes aux élections municipales de juin 2020. La maire sortante, Meriem Derkaoui à profité de sa dernière semaine de mandat pour signer le projet Grand Paris Aménagement, l’opérateur public en charge des projets d’extension de la métropole parisienne. Il prévoit la construction puis l’aménagement d’un écoquartier sur la friche urbaine du fort d’Aubervilliers. Un espace de 36 hectares cultivé depuis plus de 80 ans par les habitant‧e‧s des cités alentours, les Courtillières à Pantin ou la Maladrerie à Aubervilliers.

À l’appel du collectif de défense des jardins, une manifestation de soutien est organisée à Aubervilliers le 17 avril. Elle a réuni plus d’un millier de personnes. Photographie : Nabil Izdar pour Radio Parleur.

Les début des travaux sont pour bientôt. Les Jeux Olympiques 2024 commencent dans moins de trois ans. Le premier changement phare sera la construction d’une piscine olympique. Elle sera dotée d’équipements sportifs et d’un solarium. Une bonne nouvelle ? Il n’y a qu’une seule piscine dans cette ville 90000 habitant‧es, et elle est installée près de la mairie de l’autre côté de la commune. Problème : la construction de l’équipement publique entraînera la destruction d’une partie des jardins ouvriers d’Aubervilliers.

De la biodiversité au milieu d’un espace bétonné, un patrimoine populaire

Mais le lieu a une histoire. Jusqu’à la Révolution industrielle, Aubervilliers est en effet un espace rural, un lieu d’approvisionnement en légumes pour les parisiens. À l’époque, la plaine des vertus -là où subsistent encore les jardins ouvriers- est ainsi la plus vaste plaine légumière de France. La société des jardins ouvriers des vertus est créée en 1935. Elle est encore aujourd’hui l’une des plus anciennes associations de la ville. Lors du premier confinement, c’est grâce aux jardins que Viviane, que nous avons pu rencontrer, a « trouvé les fruits et légumes nécessaires » face au défaut d’approvisionnement en grande surface.

Des Courtilleres, on peut imaginer l'envergure architectural qu'aura le complexe sportif. Il viendra prendre place sur le parking tout en grignotant sur la partie haute des préfabriqués.
Le futur complexe sportif  doit remplacer le parking et grignoter une grande partie des jardins ouvriers (à gauche sur l’image). Photographie : Nabil Izdar pour Radio Parleur

En septembre 2020, un collectif de lutte s’est créé. Son nom : Sauvons les jardins d’Aubervilliers. Ses membres s’attachent à faire connaître le lieu pour élargir la contestation. C’est ainsi que tous les samedis, les jardins deviennent un lieu de visite. En semaine, on peut tomber sur l’une des nombreuses visites prévues pour les différentes écoles, notamment d’architecture.

Du collectif aux jardins à défendre : une lutte plus globale ?

Plusieurs grandes journées de mobilisation ont donc marqué la ville ces dernier mois. La dernière, ce dimanche 23 mai, a débouché sur un appel à l’occupation permanente et à la création d’un JAD, un Jardin à Défendre. L’acronyme représente bien sûr un clin d’œil aux Zones à Défendre comme à Notre-Dame-Des-Landes.

En effet, les dix-neuf jardinier‧es des parcelles impactées par les travaux devaient quitter leurs lopins avant la fin du mois d’avril. Coup de théâtre, de l’amiante est découvert sur les lieux. Problème : les conditions de sécurité n’étaient pas suffisantes sur le chantier. L’inspection du travail est passée par là et a tout arrêté pour une durée d’un mois.

Jardins d'Aubervilliers
Pendant que les jardinier‧es continuent a labourer leur terre en prévision de l’arrivée des beaux jours, les arbres du parking sont progressivement rasés pour accueillir le chantier de la piscine. Photographie : Nabil Izdar pour Radio Parleur.

Depuis lors, la mobilisation s’intensifie. Tous les jours, le concept de «Jardins à Défendre» s’enracine en recevant du public pour divers ateliers : construction d’un mur empêchant la destruction des jardins, jardinage, atelier de reconnaissances du sol, musiques et ateliers radio. Un combat qui risque de durer encore de longs mois et fait écho à de multiples mobilisations ces dernièrs mois autour de la préservation d’espaces de nature en milieu urbain, de Gonesse, à Grenoble en passant par la ZAD du Carnet en Loire-Atlantique.

Un reportage de Riles Liotard et Nabil Izdar pour Radio Parleur. Photographie de une : Nabil Izdar pour Radio Parleur.

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