Les anti-validistes d’hier et d’aujourd’hui. Doctorante, chercheuse en Histoire associée à l’INA, militante et porte-parole Collectif Lutte et Handicaps pour l’Égalité et l’Émancipation (CLHEE), Cécile Morin estime que le handicap est d’abord une question politique. Rencontre.
Le validisme désigne « une condition d’oppression et de domination faite à l’endroit des personnes handicapées, qui consiste à les juger en fonction d’une norme valide ». Cette grille de lecture à « fort potentiel émancipateur » permet de « penser la condition de personnes handicapées ». S’élevant contre cette conception normée, les personnes handicapées ont donc lutté, seules pendant longtemps, pour se faire une place dans la société.
Angle mort des recherches historiques, ces luttes intéressent et questionnent Cécile Morin. Elle écrit ainsi en 2018 un article intitulé Le travail comme terrain de lutte des personnes handicapées : l’exemple des mobilisations en France dans les années 1968, publié sur le site internet du CLHEE. Elle y revient longuement sur l’histoire d’une lutte oubliée.
Le CLHEE tente depuis sa création en 2016, de déconstruire ce discours validiste. Il s’oppose à l’action des associations dites « gestionnaires » telles que l’Association des Paralysés de France (APF) ou l’Unapei. Le CLHEE milite lui pour une politique de désinstitutionnalisation. Son objectif est donc de sortir progressivement les personnes handicapées de ces institutions. Pour Cécile Morin, « le placement en institution est une mort sociale ». En outre, elles ont aussi « exercé une fonction de subsidiarité » par le passé. En effet, elles permettent à l’État et la société de se dédouaner de leur responsabilité en matière d’accessibilité.
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Une lutte qui s’ancre dans l’Histoire
Dans l’immédiat après-guerre, on place quasi-automatiquement les enfants handicapés en établissements. Ceux-ci sont pudiquement rangés sous le terme de secteur protégé. « Jusqu’à la loi de 2005, ces enfants avaient un destin social tout tracé » . A l’âge adulte, « par un effet de filière », on les oriente vers des Centres d’aide au travail (CAT), aujourd’hui remplacés par les Établissements et Services d’Aide par le Travail (ESAT). Ces espaces, généralement installés en milieu rural, sont loin des centres urbains. Cela favorise un effet d’entre-soi et un contrôle des institutions sur la vie des travailleur‧euses. Les militant‧es handicapé‧es de 1968 et de 2021 dénoncent une forme de ségrégation spatiale et sociale.
Un entretien réalisé par Valentine Hullin. Photo de Une : Cécile Morin