Une agent de la police municipale à Toulouse en 2014. Photographie : Pablo Tupin-Noriega via Wikimedia France sous licence Creative Commons.

À Saint-Denis, armer la police “c’est préparer les bavures de demain”

C’est l’une des premières décisions de Mathieu Hanotin, nouveau maire socialiste, après plus de 60 ans de mandatures communistes. Le 10 septembre, le conseil municipal votait le doublement des effectifs et l’armement de la police municipale de Saint-Denis. Un exemple qui confirme la tendance à la militarisation des policier·es en France depuis plusieurs années.

Il fait bon vivre à Saint-Denis après l’arrivé aux commandes de Mathieu Hanotin, le nouveau maire socialiste. La précédente municipalité communiste avait déjà fourni à sa police des pistolets à impulsion électrique de type Taser. Celle qui lui succède saute le pas et veut confier à ses agents des lanceurs de balle de défense et des pistolets calibre 9mm. Cette mesure s’accompagne de la création d’une brigade canine et d’un doublement des effectifs de police d’ici la fin du mandat. Le tout, approuvé par la préfecture de police de Seine-Saint-Denis dans le cadre d’un tout nouvel accord avec la municipalité.


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De telles décisions n’ont pas tardé à faire réagir l’opposition et les habitant·es. Un premier rassemblement a lieu devant la mairie pour contester la décision, lors des délibérations du conseil municipal du 10 septembre. Pour certains, comme Alexis, machiniste à la RATP, armer la police municipale « c’est préparer les bavures de demain, tu répands des armes sur un territoire, demain elles seront utilisées. »

« Quand on arme des policiers municipaux, on risque d’avoir des cowboys »

Plusieurs militant·es abondent. Dans une ville populaire comme Saint-Denis, les dangers d’armer la police municipale sont bien présents. Amel, du syndicat Sud-Solidaires, accuse la mairie de « faire monter la tension dans des quartiers déjà sous tension ». De plus, « quand on arme de flashball des policiers municipaux qu’ont pas été recrutés pour ça, on risque d’avoir des cowboys » appuie la syndicaliste.

état d'urgence sanitaire
Le 11 mai 2020, manifestation contre les violences policières devant la mairie de L’Île-Saint-Denis en Seine-Saint-Denis. Photo : Pierre-Olivier Chaput pour Radio Parleur.

Interrogé, Paul Rocher, sociologue et auteur de Gazer, mutiler, soumettre confirme la dangerosité de confier des armes de catégories B à la police municipale. « La disponibilité d’armes non-létales augmente le recours à ces armes là. Quand on équipe les forces de l’ordre en armes non-létales, on ne leur donne pas seulement un outil. On leur transmet aussi le message que cette arme est là pour être utilisée. En suggérant la non-létalité, on suggère aux forces de l’ordre de recourir davantage et plus rapidement à leurs armes. »

La mairie veut cibler la vente à la sauvette et les nuisances sonores

La mairie se justifie et n’entend pas reculer. Sophie Rigard nous explique : « La mairie a donné deux justifications. D’abord, le fait que 53% des policiers municipaux en France ont une arme. Ensuite, depuis la menace terroriste, depuis 2015, il y a un engouement de la part des policiers municipaux pour les armes de poing. Ça veut dire : “c’est la mode, les policiers adorent les armes, donc on va leur en donner.” C’est irresponsable » estime l’élue d’opposition (Place Publique).

« Ils savent très bien ce qu’ils font » estime de son côté Alexis. En effet, en l’armant et en doublant ses effectifs, la mairie renforce le contrôle policier sur son territoire. Celle-ci va alors devenir la « police de répression municipale » craint Amel. À ses yeux, cette police a pour mission « d’accompagner l’arrivée du Grand Paris » si cher au nouveau maire et in fine de « chasser les pauvres de la ville. »

Mathieu Hanotin à Saint-Denis en 2016. Photographie : Marion Germa sous licence Créatives Commons
Mathieu Hanotin à Saint-Denis en 2016. Photographie : Marion Germa sous licence Créatives Commons

De son côté, Mathieu Hanotin n’est pas en reste. Dans une lettre datée du 10 septembre aux habitant·es concernant les nouvelles orientations en matière de sécurité, il s’adresse à ses administré·es. Ses cibles : la vente à la sauvette, les chichas (interdites depuis dans l’espace public) ainsi que les étals illégaux et le stationnement jugé anarchique. « Pour lui, l’insécurité c’est les vendeurs à la sauvette. Mais moi je ne me sens pas en insécurité face à une personne dans une situation de précarité gigantesque », affirme Sophie Rigard.

L’opposition s’organise

Après le rassemblement devant la mairie, les opposant·es à l’armement de la police municipale se sont retrouvé·es à la Bourse du Travail de Saint-Denis le 22 septembre dernier. Pour Alexis, « il n’y a que le rapport de force qui les fera abandonner ce genre d’idées ». Dans l’amphithéâtre s’opposent les partisan·es d’une police de proximité et celleux désirant l’abolition de toutes les polices. Un constat fait pourtant l’unanimité : la question de la police et celle des violences policières ne peuvent se dissocier de la question sociale. Depuis, une page Saint-Denis contre les violences policières et pour les droits sociaux a été créé sur Facebook. Ses administrateur·ices assurent en particulier une veille sur les violences policières qui pourraient être commises dans la ville.

Un reportage de Pierre Louis Colin. Photographie de Une :  Pablo Tupin-Noriega via Wikimedia France sous licence Creative Commons.

 

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