Jeudi 22 octobre, les décrocheur·euses de retour devant la justice. Dans le cadre de la campagne “Décrochons Macron”, ces militant.es décrochent des portraits d’Emmanuel Macron dans des mairies de nombreuses communes françaises. Sept d’entre elles et eux ont été condamné·es en première instance pour “vol en réunion”. Ils et elles passaient cette fois devant la Cour d’appel de Paris. Un procès qui oppose «urgence climatique» et respect du «symbole présidentiel».

Il·elles avaient été condamné·es en première instance à une amende de 500 euros chacun. Ces militant·es avaient été jugé·es en septembre 2019, pour avoir décroché et emporté les portraits présidentiels des mairies du IIIe, IVe et Ve arrondissement de Paris. Des actions menées dans le cadre d’une campagne nationale de décrochage de portraits dans plusieurs communes de France. Un mouvement initié entre autres par l’association ANV-COP 21 et qui a vu plusieurs procès se dérouler dans plusieurs villes du pays. Le but : dénoncer « l’inaction du gouvernement face à l’urgence climatique et sociale. »

Ce jeudi 22 octobre, il·elles passaient donc devant la Cour d’appel de Paris pour remettre en cause ce premier verdict. Ces activistes sont sept : Pauline Boyer, Emma Chevalier, Etienne Coubard, Alma Dufour, Marion Esnault, Cécile Marchand, Felix Vève. Il et elles devront attendre le 10 décembre pour connaître la décision de la Cour d’appel. 

Plaider le «désespoir» face à l’inaction climatique du gouvernement

9h30, le procès débute. Les activistes passent chacun·es devant la barre et reconnaissent les faits qui leur sont reprochés. Et tous souhaitent souligner l’urgence climatique, les raisons qui les ont poussés à faire cette action.

Il·elles plaident le « désespoir » face à l’inaction du gouvernement, comme Alma Dufour, chargée de plaidoyer aux Amis de la Terre  : « Je travaille avec les Ministères et les parlementaires pour discuter du changement climatique. J’ai vu comment la politique est faite et comment les décisions sont prises : le gouvernement ne nous écoute pas. »

Une désobéissance justifiée par un «état de nécessité» d’action pour le climat

Pour leur avocat Me Bendavid, ces militant·es ont agis par « état de nécessité » dans le cadre de cette campagne nationale Décrochons Macron. Ce principe qui justifie un acte illégal, si celui-ci est réalisé pour empêcher un dommage plus grave. De plus, la défense plaide également la liberté d’expression. « Récemment, les plus hautes juridictions françaises et européennes ont érigé la liberté d’expression comme fait justifiant exceptionnellement la commission d’infraction » explique-t-il. Pour cela, il s’appuie sur la relaxe de militantes du mouvement Femen, attaquées pour exhibition sexuelle. 

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Pour appuyer l’état de nécessité, trois témoins de moralité étaient invité·es à la barre : Jean-Pascal Van Ypersele, climatologue et ancien vice-président du GIEC, Agnès Catoire, membre de la Convention Citoyenne pour le Climat et Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France.

Le climatologue Jean-Pascal Van Ypersele est le premier à passer. Il tend une pile de dossiers à la juge et expose la situation climatique actuelle. Les effets du dérèglement climatique se font déjà sentir : vagues de chaleur, augmentation des intempéries et fontes de glace. Et il termine, ému en évoquant les militant.es engagé·es dans cette campagne d’action Décrochons Macron « Quand on navigue sur un bateau, il y a des vigies. Sur celles-ci, il y a les scientifiques qui tirent la sonnette d’alarme. Et ceux qui les accompagnent, ce sont les jeunes. »

Une situation exceptionnelle qui impose un jugement exceptionnel ?

Cependant, les interventions des 7 militant·es et des 3 témoins ne justifient pas l’état de nécessité pour l’avocat général. Selon lui, « l’utilisation de la désobéissance civile est justifiée dans une société non démocratique ou lors d’une période de trouble. Mais dans une société démocratique, il existe d’autres moyens de se faire entendre. »

Mais pour Me Bendavid, la désobéissance civile a permis de nombreux changements historiques. Il cite alors comme exemple Act’Up, association de lutte contre le Sida, ou encore Rosa Parks, une femme américaine noire qui avait refusé de laisser sa place à une personne blanche. « Cette situation exceptionnelle (le changement climatique) impose une prise d’actes aujourd’hui », affirme-t-il.

La justice statuera donc sur l’acte de ces 7 militant·es le 10 décembre prochain. Quasiment cinq ans, jour pour jour, après la tenue de la COP21 à Paris.

Reportage Morgane Moal. Photo de une Morgane Moal pour Radio Parleur.