Pas de Justice, Pas de Paix. Ces mots résonnent encore sur la Place de la République à Paris, samedi 13 juin, au départ de la manifestation “Vérité et Justice”, transformée en rassemblement statique par une décision de la Préfecture de police. A l’appel du collectif Vérité pour Adama, cette nouvelle mobilisation cristallise une nouvelle génération mobilisée dans les luttes antiracistes et contre les violences policières.
Il est 14h30 ce samedi 13 juin. Il est l’heure. Celle du départ annoncée du cortège de cette manifestation contre les violences policière prévue depuis la place de la République jusqu’à celle de l’Opéra. Sur le pavé, la foule est dense. Des dizaines de milliers de manifestant·es, 15 000 selon la Préfecture contre 150 000 selon les organisateur·trices, se sont rassemblé.es. Ils et elles sont venus demander la justice et la vérité dans la lutte contre les violences policières. Cette “Génération ADAMA”, du nom du hastag massivement relayé sur les réseaux, exprime aussi sa colère face au racisme. Un “virus à éradiquer” comme l’affiche de nombreuses pancartes.
L’avènement d’une Génération Adama
Sur la place, de jeunes manifestant·es, aux t-shirts noirs griffés “Vérité et Justice” venu·es de la capitale et de sa banlieue, se sont déplacé·es. Alice*, 18 ans, a fait le trajet avec deux amies depuis la Seine-et-Marne. Si elles n’étaient pas présentes à la manifestation du 2 juin, les images de celles-ci leur ont donné de “l’élan“. Près du camion-sono en tête de cortège, elles attendent le départ de la manifestation avec leur pancarte “le racisme est une pandémie, le racisme tue“.
Plus loin, Aïda* aux côtés de sa mère fait le même parallèle avec le virus du Covid-19. “Ce n’est pas normal que des gens se fassent tuer par le racisme, autant que d’autres se fassent tuer par un virus“. Sur les pancartes du duo mère-fille, la mémoire se transmet par connexion entre le massacre du 17 octobre 1961 et les propos racistes de policiers lors d’une interpellation d’un jeune homme tombé dans la Seine le 26 avril 2020 à L’île-Saint-Denis.
Extrême-droite au balcon et manifestation statique
À 15h30, Youssef Brakni et Assa Traore, têtes de pont du collectif La Vérité pour Adama tentent de négocier un départ du cortège avec les forces de police qui bloquent l’accès au boulevard. Dans le même temps, la foule s’égosille contre un petit groupe de Génération Identitaire présent sur le toit d’un immeuble Haussmannien. Ces militants d’extrême-droite y ont déployé une banderole siglée du hastag “White Lives Matter“. Les voisins du balcon inférieur tentent alors de la déchirer avant qu’un jeune homme, acrobate, n’escalade l’immeuble pour la retirer.
Quelques minutes plus tard, la préfecture de police annonce que seul un rassemblement statique est autorisé. Au camion sono, Youssef Brakni s’indigne : “Le seul pays démocratique où l’extrême-droite sort c’est ici. À Paris. Ce n’est pas un accident, c’est parce qu’il y a des signaux politiques qui sont envoyés. Le gouvernement et son préfet politique veulent absolument envenimer les choses“.
Pas de justice, pas de paix
Points levés et genoux à terre, les manifestant.es reprennent les codes des soulèvements américains depuis la mort de George Floyd le 25 mai 2020 à Minneapolis. Alors que les noms d’Adama Traore, Amine Bentousi, Cédric Chouviat, Lamine Dieng, victimes d’interpellations policières meurtrières résonnent au camion sono. On retrouve dans la foule la mère d’Aïda qui s’indigne contre les violences : “elles ne doivent pas être tolérées dans la police, ni aucune forme de racisme. Il ne doit pas y avoir un seul raciste dans la police. Un raciste, c’est un raciste de trop”.
Face à la mobilisation du 2 juin, et après de nombreux revirements depuis les annonces du 8 juin, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner à finalement confirmer vendredi l’abandon de la technique d’interpellation dite “d’étranglement”. “C’est insuffisant” martèle Aïda. “Qu’on abandonne cette technique d’accord” lance la jeune femme avant de conclure “Mais il y a besoin d’une refonte totale du système policier“.
Un reportage réalisé par Romane Salahun. Photo de Une : Pierre-Olivier Chaput.
* Les prénoms ont été modifié