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Quand la crise sanitaire aggrave la précarité menstruelle

L’expérimentation aurait dû commencer au printemps. Deux ministères devaient piloter des distributions gratuites de protections périodiques dans des lieux ciblés. La crise du Covid-19 a stoppé net cet élan, et des personnes allant acheter serviettes et tampons ont même été verbalisé·es pendant le confinement. Cet état d’urgence sanitaire a marqué une régression de la lutte contre la précarité menstruelle.

« J’étais à la fac, avant un exam’, et je n’avais pas de serviettes sur moi. J’ai enroulé ma culotte de papier toilette », témoigne Nolwenn, étudiante à l’université de Rennes 2. « Lorsque je faisais ça, j’étais très irritée. Pendant plusieurs jours, j’avais mal », ajoute-t-elle. Auparavant, lorsqu’elle étudiait à Nantes, la jeune femme n’avait pas les moyens de s’acheter des protections périodiques. « Quand t’as 100 euros par mois pour manger, payer tes transports, etc, 5 euros c’est énorme », précise-t-elle.  

La précarité menstruelle touche près de 2 millions de femmes en France

Une situation que n’ont visiblement pas bien saisie les forces de police verbalisant les achats de protection périodiques. L’association NousToutes38 a alerté dès le début du confinement. Les témoignages d’amendes pour achat de protections périodiques, car non-considérées comme des achats de première nécessité, avaient alors afflué sur les réseaux sociaux.

Le collectif féministe isérois a écrit une lettre ouverte aux municipalités du département. La précarité menstruelle, a fortiori en période de confinement, n’est pas le sujet de prédilection des élu·es. Anne et Pauline, toutes deux membres du collectif, ont voulu les alerter sur les risques réels des protections “maison”.

 

 

“Les menstruations coûtent entre 8 000 et 23 000€ au cours d’une vie”

Selon une étude anglaise, les menstruations coûtent cher aux femmes tout au long de leur vie de menstrues. « Ça prend en compte à la fois l’achat des protections, mais aussi les anti-douleurs, les consultations gynécologiques pas toujours remboursées », précise Pauline. 

 

L’enjeu est pourtant bel et bien de savoir qui peut s’acheter des produits de première nécessité, et qui ne le peut pas. Le Secours populaire de Grenoble distribue tampons et serviettes hygiéniques depuis le début du confinement. Une victoire pour NousToutes38 qui demandait dans sa lettre que ces protections rejoignent systématiquement les colis de première nécessité.

Journaux usagés et bouchons en plastique

Pour les masques comme pour les tampons, les mêmes causes produisent les mêmes effets : le recours à des tactiques peu fiables, voire dangereuses. Face au manque de moyens, certaines femmes ont recours au système D … plus ou moins efficaces. Protections usagées, papier, journaux ou linges divers : tout ce qui peut éponger peut servir de protection.

D’autres se fabriquent des coupes menstruelles en utilisant des bouchons des bouteilles plastiques. “Ça se fait énormément dans le milieu carcéral pour les personnes menstruées”, dénonce Anne. Ces protections précaires peuvent blesser les parois vaginales et favorisent les chocs toxiques. « Ces chocs peuvent toucher des organes vitaux, entraîner des amputations, voire un décès. »

Parfois, cela entraîne simplement l’isolement. « Dans mon 9m2 de cité U, parfois je n’avais plus de serviettes et je n’avais pas les moyens d’en acheter. Sinon ça voulait dire que je ne mangeais pas”, raconte Nolwenn. “Des fois je ne sortais pas de ma chambre, le temps que mes règles passent. Je n’allais pas en cours et je restais dans ma chambre pendant des jours. »

 

À écouter : Genre aux poings, l’émission

Le débat sur la gratuité des masques agace profondément les deux militantes. “Tout le monde est en train de hurler que c’est une honte qu’on nous demande d’acheter des masques, mais il n’y a personne, à part des collectifs féministes, pour dire que c’est une honte d’acheter des protections hygiéniques.” 

Les pratiques évoluent lentement sur cette notion de gratuité des protections. Dans certaines universités, serviettes et tampons sont déjà distribués, comme à Rennes 2. La France ne fait toutefois pas figure d’exemple en la matière. En Écosse, les protections hygiéniques sont gratuites pour toutes les femmes depuis le 26 février. Ces produits de base sont désormais à disposition dans les universités, les écoles, les pharmacies, les clubs de jeunesse et les cabinets médicaux.

Contacté, le ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes n’a pas donné suite à nos demandes.

Un reportage de Marion Pépin. Photo de Une : Pierre-Olivier Chaput.

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