Si la grève à la RATP et la SNCF, fers de lance de la mobilisation contre la réforme des retraites, semble ralentir, le secteur de l’Éducation pourrait prendre le relais, pour permettre au mouvement social de se poursuivre. Une dynamique qui peine encore à se concrétiser dans les universités.
Fermetures administratives, facultés isolées par la grève des transports, vacances et partiels : la mobilisation étudiante contre la réforme des retraites est à la peine. Depuis le 5 décembre, la grève à la RATP a compromis l’accès à l’université de Paris 8, faute de ligne 13 du métro. Des assemblées générales ont malgré tout réuni une cinquantaine de personnes, dont une majorité d’enseignant·es et de membres du personnel. Par ailleurs, depuis décembre, certain·es enseignant·es et étudiant·es participent à la mobilisation contre la réforme des retraites en étant présent·es sur les piquets de grève et dans les manifestations.
Un mouvement étudiant en crise
Depuis 2016, la jeunesse semble avoir du mal à se mobiliser à la hauteur d’une période pourtant riche en mouvements sociaux. “C’est du foutage de gueule de croire que c’est les étudiant·es qui font pencher la balance. Les gens se déversent sur nous avec un fantasme à la 68 où on est responsable de ces trucs là, mais ils ont qu’a se bouger le cul et arrêter d’attendre que les étudiants fassent quelque chose” râle Flavie*, étudiante mobilisée de Paris 8. Plusieurs facteurs s’entremêlent pour expliquer cette situation. La crise du mouvement étudiant est indissociable des transformations récentes de l’université où se multiplient les mécanismes de sélection, de mise en concurrence et de précarisation.
Il semble de plus en plus dur de mobiliser sur les problématiques qui concernent les étudiant·es. Pour Flavie, c’est aussi la complexité du fonctionnement de l’université et des différentes réformes qui freine les mobilisations : “C’est des réformes ultra techniques, connaître tout le fonctionnement bureaucratique de la fac c’est super lourd et comprendre l’impact des réformes c’est souvent inaccessible.” D’après elle, le mouvement étudiant manque actuellement de structuration pour entrer dans la mobilisation générale : “Les facs rentreront dans le mouvement quand elles amèneront leur propre agenda à la mobilisation, quand il y aura aussi une mobilisation massive interne aux facs sur leurs propres enjeux […] : la réforme de l’enseignement supérieur, la lutte contre les discriminations et la lutte contre la précarité.”
La tendance s’inverserait-elle ?
Après plus de 50 jours de grève, le mouvement s’installe timidement. À Saint-Denis, sur le campus de l’université Paris 8 un piquet de grève se tient tous les matins à partir de 8 heures pour informer les étudiant·es sur le mouvement social en cours. De nombreuses assemblées d’unités de formation et de recherche (UFR) ainsi que des cours « alternatifs » sont organisés depuis la rentrée. Pour beaucoup, l’assemblée générale de ce lundi 27 janvier a pour objectif d’évaluer les forces en présence mais aussi d’élargir la mobilisation aux départements qui ne sont pas encore en grève. En soutien à la caisse de solidarité de l’université, des étudiant·es en étude de genre organisent une cantine face à l’amphithéâtre B1, où se tient l’assemblée générale. Le pari est réussi, plus de 300 personnes assistent aux débats. “C’est la plus grosse assemblée depuis le début du mouvement” assure Solène, professeure vacataire dans le département de sociologie.
Des raisons de se mobiliser
“Les profs de fac, c’est pas un corps de métier qui se mobilise beaucoup globalement. Pour être tout à fait honnête, c’est la petite bourgeoisie. Des gens qui écrivent des tribunes plus qu’ils ne descendent dans la rue” précise Hélène, maîtresse de conférence à l’université Paris 8. Nouveauté de cette rentrée, à la contestation de la réforme des retraites se joint le rejet d’une énième réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche visant la libéralisation de l’université : la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR).
Dans la continuité du processus de Bologne amorcé en 1998, la LPPR va continuer de transformer en profondeur l’université française en y installant “toujours plus de logique managériale, toujours plus de précarité, de moins en moins de fonctionnaires à l’université, de plus en plus de fonds dirigés vers le privé. En gros, c’est la fin de université publique” nous explique Hélène. Cette réforme de l’université suscite un élan de mobilisation parmi certain·es enseignant.es titulaires, qui face à l’attaque de leurs conditions de travail et d’existence se joignent au mouvement de contestation de la réforme des retraites. Solène, vacataire, en est consciente : “On commence un peu avec un train de retard mais on va finalement prendre le relai des travailleurs et des travailleuses de la SNCF et de la RATP.“
*Ce prénom a été modifié.
Un reportage de Pierre-Louis Colin. Photo de Une : Pierre-Olivier Chaput.
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