Ce jeudi 5 décembre, entre 806 000 et 1,5 millions de personnes ont défilé partout en France. Un coup d’envoi réussi pour cette grève générale contre le projet de réforme des retraites. À Paris, un cortège très dense a bravé le froid dans une ambiance festive et déterminée, une première depuis plusieurs mois.
Il est 14 heures ce jeudi 5 décembre, et le boulevard Magenta, qui relie, à Paris, la gare de l’Est à la place de la République est noir de monde. Point de départ théorique de la manifestation, il est intégralement occupé par la foule. 250 000 personnes selon la CGT, 65 000 d’après le ministère de l’Intérieur, vont défiler toute la journée dans la capitale.
Alban est syndiqué à la CNT éducation dans le Val-de-Marne. Il détaille les enjeux du parcours : “Les syndicats ont demandé à ce que le parcours ne passe pas la place d’Italie et Austerlitz qui sont, comme on l’a vu par le passé, des endroits particulièrement dangereux pour les manifestants.”
Le cortège parisien se forme. À sa tête, le carré qui abrite les chefs des centrales syndicales. Assiégé par les caméras, il est retranché derrière la muraille humaine formée par le service d’ordre de la CGT. Déjà, pompiers et cheminots allument des fumigènes pour réchauffer l’atmosphère.
Juste derrière, l’union syndicale Solidaires et son camion sono remixent les slogans des Gilets Jaunes dans une version spéciale défense des retraites. Deux photographes se prennent le chou et se bousculent pour photographier l’omniprésent militant Voltuan et sa pancarte du jour. Quelques mètres plus loin, un homme s’est fait de son panneau un collier : “On a raison de se révolter”, peut-on y lire.
Très vite, le carré de tête n’en a plus que le nom. Un flot continu de personnes le dépasse sur les côtés pour rejoindre l’avant de la manifestation. Quelques-un·es toutefois font ce trajet en sens inverse, drapeau en main, pour rejoindre le cortège de leur syndicat. A 14h30, la manifestation a tout sauf démarré, et le boulevard Magenta est un long rassemblement où les gens discutent, chantent et échangent autocollants et tracts révolutionnaires.
Une ambiance de fête, un cortège statique
“On est face à un gouvernement qui tape sur tous les âges de la vie”, s’indigne Nina, étudiante en droit-histoire à la Sorbonne. “On est là pour nous, mais aussi pour nos enfants. Les profs, les soignants, ce sont des gens avec qui on vit et on interagit tous les jours. Alors on va continuer jusqu’à avoir un service public digne !”
De nombreux groupes, syndiqués ou non, forment des mini-cortèges qui essaiment jusqu’à la place de la République. La CGT Pôle emploi côtoie Ensemble, Génération·s et un groupe de militant·es vêtus de chasubles Sud Rail. L’ensemble est toujours statique même si des manifestant·es vont et viennent sur le boulevard en permanence.
L’importance de la foule semble avoir mis tout le monde de bonne humeur tant les visages sont souriants et l’ambiance détendue. Dans l’air, l’odeur des merguez et autres grillades domine. Seuls quelques pétards au loin provoquent de temps en temps quelques rotations de têtes inquiètes.
“La Macronie est finie”
Un groupe derrière une banderole “La Macronie est finie” lance finalement un mouvement. Chants et fumigènes brillent comme des phares au milieu du boulevard. Un peu plus en arrière, des cirés sont enfilés et des petits groupes remontent le cortège. Dans les minutes qui suivent, la fumée qui s’élevait à l’entrée de la place de la République se transforme en des séries d’explosions, dans lesquelles on reconnaît le son des grenades de la police. Un immense nuage de fumée noire s’élève.
Tandis que les affrontements rythmés par les salves de grenades de désencerclement se concentrent sur un côté de la place, certains laissent cette dernière derrière eux et avancent. Une foule disparate de syndicalistes, gilets jaunes et autres manifestant·es s’étale sur le boulevard Voltaire. Les rues perpendiculaires sont elles verrouillées par des barrages des forces de police qui ne laissent personne passer.
Sur le boulevard Richard Lenoir, qui rejoint le boulevard Voltaire au niveau du Bataclan, un manifestant s’enquiert du déroulé de la manifestation. Comme des milliers d’autres, lui n’est pas passé par la place de la République. Il l’a contournée en longeant le canal. “On va essayer, pour le symbole, d’aller jusqu’à Nation”, confie-t-il.
Vers 19 h, la manifestation arrive à son point final place de la Nation et quelques échauffourées éclatent de nouveau avec les forces de polices. Des accrochages qui n’empêchent pas des jeunes militant·es de lancer un concert sauvage sur le fameux “Freed From Desire” de Gala. Au loin, résonne encore un slogan entendu tout au long de la journée : “Le 5 dans la rue, le 6 on continue !” Le rendez-vous est pris.
Un reportage réalisé par Tristan Goldbronn, photographies et texte par Pierre Olivier Chaput.
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