Ils et elles sont les « Mutilé⋅es pour l’exemple. » Comme les fusillé⋅es pour l’exemple, ils et elles disent avoir été pris⋅es pour cible par la police. Pour faire peur aux autres, et faire cesser ce mouvement des Gilets Jaunes qui dérange. L’arsenal policier qui les a mutilé se composent d’armes de guerres, mais aussi de tactiques de terrorisation. 

David Breidenstein, blessé le 16 mars 2019, Gwendal Leroy, blessé le 19 janvier 2019 Xavier, blessé le samedi 20 avril 2019Alain Hoffmann, blessé le 1er décembre 2019, et Laurent Théron, blessé le 15 septembre 2016. Cinq récits sur ce tir qui a brisé quelque chose en eux, en l’espace d’un éclair. Aujourd’hui ils et elles se reconstruisent. Certains tentent un retour à la normale forcément chaotique. D’autres s’engagent dans le combat politique contre les armes de la police. Un combat qui donne une épaisseur et une réalité à ce trauma qu’ils surmontent.

LBD40 et grenades de désencerclement massivement utilisées

Le lanceur de balles de défense, successeur du flashball, est une arme dont les forces de polices françaises sont dotées depuis la fin des années 2000. Précisément quatre ans après les émeutes de 2005. À l’époque Nicolas Sarkozy a quitté le ministère de l’Intérieur pour la présidence de la République. Lors de son passage place Beauvau, il a doté les forces de police de grenades de désencerclement.

Ces armes sont aujourd’hui massivement utilisées dans les manifestations et dans le maintien de l’ordre en général, notamment les quartiers populaires. Après le début du mouvement des Gilets Jaunes, trois lots de lanceurs de balles ont été commandés par l’Intérieur, dont l’un de 1 280 nouveaux lanceurs de balles de défenses. Le ministère de l’Intérieur a recensé au 21 novembre 2019 près de 20 000 tirs de LBD, 1 428 tirs de grenades lacrymogènes instantanées, 5 420 tirs de grenades de désencerclement, en un an.



A réécouter : Marquer les Chairs et les Esprits – Partie 1



Plusieurs collectifs de Gilets Jaunes et ONG demandent un moratoire sur les armes responsables des violences policières

Le lanceur de balles de défense et la grenade de désencerclement sont pointées du doigt par les mutilé·es, par des soignant·es, par des ONG et même par l’ONU. Ces armes sont classées comme des armes de guerre par le ministère français des Armées, ainsi que par plusieurs classifications internationales. Le professeur Laurent Thinès, neuro-chirurgien demande notamment un moratoire sur l’utilisation de ces armes. Il est par ailleurs l’un des rares soignants à avoir pris position publiquement contre ces armes qui causent des “blessures de guerre, ou comparables à de graves accidents de la route.

Toutes ces armes ne tirent pas seules. Le problème, c’est que la formation de celles et ceux qui les utilisent, forces de police et de gendarmerie, est très inégale. Pour les manifestant⋅es et les mutilé⋅es, la tactique du maintien de l’ordre français est désormais basée sur la terreur. Faire peur, pour empêcher de nouvelles manifestations.

Gilets Jaunes violences policières
Un homme tente de sortir d’un nuage de gaz lacrymogène. Photographie : Sylvain Lefeuvre

Armes discriminantes et armes indiscriminées pour une même tactique

Les armes indiscriminées, comme le gaz lacrymogène, déclenchent un sentiment d’étouffement et d’oppression très angoissant. A partir des années 2010, des gazages massifs ont été observés dans les manifestations. Les grenades, dont certaines ont un effet de souffle dangereux, produisent un son pouvant monter à 160 décibels, bien au delà du seuil de douleur. Là encore, si les manifestant⋅es ne sont pas effarouché⋅es, ils et elles voient les canons des lanceurs se pointer sur la foule.

En rentrant, les images des blessé⋅es graves se mêlent aux hurlements de panique qui accompagnent désormais chaque manifestation de Gilets Jaunes à Paris et dans les grandes villes. “Assurer la sécurité des manifestant⋅es”, explique l’Intérieur ? Pour les mutilés, leurs proches, et celles et ceux qui participent à ce mouvement social depuis un an, il s’agit plutôt de s’assurer que plus personne ne descende dans la rue sans avoir la peur au ventre.

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Un documentaire de Violette Voldoire. Co-auteur : Tristan Goldbronn. Mixage et création sonore : Etienne Gratianette. Photo de Une : Pierre-Olivier Chaput