Les soignant·es cherchent l’électrochoc. Ils et elles s’élancent le jeudi 14 novembre à Paris, et dans d’autres villes pour une grève nationale. Initié depuis la grève des urgentistes au mois de mars 2019, le mouvement prend de l’ampleur pour “sauver l’hôpital public“.
Dans le froid de novembre, le cortège met du temps à se former sur le boulevard de Montparnasse à Paris. Et pour cause, les groupes de personnel soignant continuent d’affluer. Infirmiè·res, médecins, pédiatres, urgentistes, aide-soignant·es, internes, externes… Tous et toutes sont venu·es clamer le besoin de moyens dans un secteur au bord du “krash sanitaire”, selon les mots des 15 signataires de la tribune du JDD. A l’appel des collectifs Inter-urgences et Inter-hôpitaux, rejoints par de nombreux syndicats, environ 10 000 personnes selon les organisateur.trice.s défilent dans les rues de Paris.
C’est “une mobilisation historique” pour Christine, neuroradiologue à l’hôpital Saint-Anne à Paris. Alors que le cortège fait ses premiers pas vers 14h, des rassemblements se tiennent dans toute la France. Sur le pavé parisien, des infirmières bigouden arrivent de St-Malo et côtoient des services pédiatriques marseillais, des urgentistes valentinois, des infirmièr·es rennais·es. En soutien, les étudiant·es externes de l’Association Nationale des Étudiants en Médecine de France (ANEMF) sont présent·es en masse, comme leurs aîné·es internes. De jeunes soignant·es à qui l’on apprend déjà à faire plus avec moins.
Une défibrillation d’urgence pour l’hôpital public
Au début du parcours, qui doit atteindre les Invalides, une forte détonation retentit. Tou·tes les manifestant·es se mettent à terre, comme lors d’un die-in. “C’est un coup de tonnerre. L’hôpital public est à terre” explique une jeune femme en blouse blanche. Cette urgentiste de l’hôpital Necker à Paris ajoute “on a atteint un point de non-retour”. Pour elle, il est “normal que tous les services se retrouvent dans la rue, médicaux et para-médicaux” et plus seulement les urgences qui ont lancé la lutte au mois de mars. Beaucoup indiquent que ça fait des années qu’ils et elles exercent leur poste en souffrance. Pour Anne, l’asphyxie budgétaire renvoie à un “objectif de rentabilité” qui plane sur l’hôpital devenu entreprise.
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Laure, infirmière aux urgences de Saint-Malo veut pousser un coup de gueule : “on ne remplit plus notre mission de service public. On n’a plus les moyens. On a presque honte”. Tous les services confondus décrivent un manque de moyens et de personnel qui met en jeu la santé des usager·ères, venu·es ce jour-là adresser leur soutien aux manifestant·es. Des conditions qui font davantage fuir certain·es praticien·nes vers le privé. Les revendications s’expriment clairement dans la foule : une augmentation de l’objectif national des dépenses de l’assurance maladie (ONDAM) de 4% (au lieu des 2,1% prévu d’ici 2020), une hausse de 300€ net par mois des salaires du personnel hospitalier, l’arrêt des fermetures de lits d’hospitalisation et de nouvelles embauches.
Objectif Matignon et Assemblée Nationale
Le trajet de la manifestation prévoit un passage devant le Sénat et l’Assemblée Nationale. “C’est obligatoire que l’on soit entendu par nos politiques” martèle Christelle. La ministre Agnès Buzyn annonçait le 23 octobre un “plan de soutien” pour l’hôpital public à paraître courant novembre, sans grande précipitation, attendant sans doute de jauger les manifestations de ce 14 novembre. C’est chose faite. Dans l’après-midi, depuis son déplacement dans la Marne, le président Emmanuel Macron annonce “un plan d’action renforcé et des décisions fortes” présenté mercredi prochain par le gouvernement.
Si les personnels paramédicaux, en grève depuis le 19 mars, avaient obtenu en septembre 750 millions d’euros sur trois ans pour les services d’urgence, le ralliement des médecins durant l’été via le collectif Inter-hôpitaux a joué dans le rapport de force. Malgré la prise de parole présidentielle, les soignant·es réunis en AG le soir-même attendent des chiffres derrière les mots. Une dernière question clôt cette journée de mobilisation dans l’amphithéâtre de la faculté de médecine de la Pitié Salpêtrière. Faut-il se joindre à la manifestation du 5 décembre contre le projet de réforme des retraites ? Les débats sont nourris mais le collectif tranche : l’hôpital public fera bande à part dans une autre manifestation plus tard, sans empêcher les participations individuelles.
Un reportage réalisé par Romane Salahun
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