En grève depuis plus de 14 semaines, les femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles réclament des conditions de travail décentes et la fin des cadences intenables. Chaque jour, devant leur établissement, elles affrontent le silence de leur direction et l’agressivité des clients avec une revendication : leur intégration en tant que salariées au sein du groupe Accor, propriétaire de l’établissement.
Depuis quelques temps, des luttes de femmes, dont l’existence était jusque-là muette et invisible, émergent : les grèves des employées du groupe Onet à la Gare du Nord, celles du Park Hyatt, place Vendôme, ou encore à Marseille les femmes de chambres du groupe Elior. Toutes ont mené ou mènent encore des combats pour faire respecter leur dignité.
Depuis le 17 juillet dernier, les employées de l’Ibis des Batignolles sont mobilisées pour faire valoir leurs droits. Parmi leurs revendications : “obtenir une prime repas décente, réduire la cadence horaire intenable et être embauchées directement par le groupe Accor propriétaire des hôtels Ibis en lieu et place de STN, la société de sous-traitance qui les emploie actuellement”, détaille Tiziri Kandi, animatrice syndicale de la section CGT Hôtels de prestiges et économiques.
STN multiplie les traitements abusifs, notamment en augmentant les mutations. Les femmes de chambre sont régulièrement assignées sur d’autres sites dès qu’elles montrent des signes d’affaiblissement, sans aucune prise en considération de leur lieu d’habitation ou leur situation familiale. Autre reproche : la gestion par les responsables de l’hôtel d’une affaire de viol présumé d’une collègue. Cette dernière a déposé plainte et le dossier est désormais au pénal. Cet incident met en lumière la double vulnérabilité de ces femmes, qui subissent des violences à la fois en tant que personnel précaire mais également en tant que femme.
Sur le même thème : notre reportage avec les Holiday Inn en grève en janvier 2018.
Plusieurs clients de l’hôtel ont agressé des femmes de chambres en grève
Afin de se faire entendre de leur direction, elles investissent quotidiennement l’entrée de l’hôtel pour signaler leur mécontentement et prouver leur détermination. Elle mènent aussi des actions symboliques d’occupation de grands hôtels parisiens appartenant au groupe Accor. Les femmes grévistes se disent très bien organisées et assurent “pouvoir maintenir le piquet de grève encore longtemps. Jusqu’à 2023 s’il le faut”, déclare l’une d’entre elles présente devant l’entrée de l’Ibis. Elles arrivent parfois dès 7h du matin, pour se faire entendre à grands renfort de tambours, sifflets et autres maracas de fortune.
Le 12 septembre, Marlène Schiappa, Secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes et le député et secrétaire général de la République en Marche Stanislas Guerini sont venus rencontrer les grévistes. Des promesses ont été faites pour faciliter la résolution du conflit, sans résultat à ce jour.
Certains clients de l’hôtel, agacés par le bruit, n’hésitent pas à leur jeter depuis leurs fenêtres toutes sortes de déchets. Samedi 28 septembre, un homme, plus forcené que les autres, s’en est pris physiquement à une des femmes qui tenait le piquet de grève, sans que cet acte ne soit condamné par la direction.
Les femmes grévistes appellent régulièrement à des rassemblements de soutien devant l’hôtel Ibis Batignolles situé au 10 rue Bernard Buffet dans le 17eme. Une caisse de solidarité est disponible pour permettre la poursuite de leur mobilisation.
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Un reportage réalisé par Sarah Belhadi
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