La sociologue Christine Delphy, féministe matérialiste, publie une traduction de son livre “l’exploitation domestique”, co-écrit avec Diana Leonard en 1992. L’ouvrage, qui passe la répartition du travail domestique au crible de l’analyse de genre, reste (malheureusement) pertinent, plus de vingt-cinq ans après.

Un quart d’heure avant son arrivée, la salle est déjà comble. La réputation de Christine Delphy dans le féminisme du deuxième XXe siècle a attiré une cinquantaine de personnes au Maltais Rouge, près de la place de la République, à l’invitation des éditions Syllepse. L’autrice, qui a participé à la vague féministe de la fin des années 1960, notamment à la fondation du Mouvement pour la Libération des Femmes (MLF), est venue présenter la traduction de l’ouvrage “L’exploitation domestique”. Dans le public, de nombreuses militantes féministes, dont plusieurs compagnes de route de Christine Delphy. Plusieurs chercheuses sont présentes, dont Laura Carpentier Goffre. Lancée dans une thèse en sciences politiques, elle poursuit le travail entamé par la sociologue il y a trente ans, assurant un débat riche et détaillé.

Christine Delphy au Maltais rouge, une conférence "féminisme et exploitation domestique".
Christine Delphy au Maltais Rouge, pour la traduction de son ouvrage “L’exploitation Domestique”. Photographie : Antoine Atthalin pour Radio Parleur.

Féminisme matérialiste et répartition genrée du travail domestique

Christine Delphy commence par revenir sur l’histoire de son engagement féministe matérialiste. Elle le définit comme une pensée marxiste, qui part de faits (l’existence du patriarcat) postulés a priori. Ainsi, on comprend la manière dont les hommes utilisent cette domination contre leurs conjointes, sans tomber dans le piège des explications biologiques. Pour les caricaturer, la sociologue explique avec humour : “cela revient à dire “les hommes ne font pas la vaisselle parce que leurs mains fondent dans l’eau de vaisselle”, ce qui est absurde”. 

Chistine Delphy revient ensuite sur le concept de travail domestique et sur les constats sans appel de l’enquête menée au moment de la version anglaise de “L’exploitation domestique“. L’inégalité dans le couple hétérosexuel est une stratégie masculine qui mène les femmes à choisir entre accepter ces corvées ou accepter qu’elles ne soient pas faites. Cette injustice fondamentale joue ensuite un rôle dans la reproduction d’autres inégalités liées au genre : elle prive les femmes de temps pour travailler, étudier, ou avoir des loisirs. Ainsi, la stigmatisation trouve des points d’accroche, et la domination peut continuer. La sociologue lance d’ailleurs : “On se moque des femmes qui ne suivent pas les films à la télévision, mais elles ratent la première moitié parce qu’elles sont occupées à faire la vaisselle”.

Le livre : L’exploitation domestique – C. Delphy et D. Leonard (mai 2019, Syllepse).