Banderole Touche pas à mon city stade

A Paris : un terrain de foot symbole de la gentrification ?

Dimanche 31 avril une journée d’action s’est tenue contre la fermeture du terrain de football situé au square Burq, dans le 18e arrondissement de Paris. Pour les usagers de cet espace, le conflit opposerait les riverains les plus aisés aux habitants moins favorisés.

L’installation d’un city stade au Jardin Burq, en lieu et place d’une aire de jeux pour enfant divise les riverains. D’un côté, des parents vivant autour du parc, qui souhaitent le retour des jeux. De l’autre, des usagers du stade et l’ancien footballeur Vikash Dhorassoo qui demandent le maintien de cet espace sportif.

L’initiative de la mairie du 18e, à l’origine du conflit, cherchait à répondre au manque d’activités pour les adolescents et les jeunes dans un quartier très fréquenté et essentiellement tourné vers la consommation à destination des touristes. Elle a impliqué la construction d’un terrain multisports en libre accès et gratuit, où l’on peut venir sans avoir besoin d’appartenir à un club. Seul bémol : un bloc de jeux et un toboggan pour les jeunes enfants se trouvaient à cet endroit. Il n’en reste plus qu’un bac à sable pour les plus petits. Aujourd’hui deux pétitions de riverains s’opposent sur le sort de ce lieu. Les échanges entre ces derniers sont parfois tendus.

Un terrain, deux visions

Une première pétition est lancée il y a quatre mois par Anne Thoumieux, une habitante du quartier. Elle dénonce tour à tour « des riverains à bout » ainsi qu’un terrain de foot excluant pour les petits et les moyens, et en particulier les filles. Thoumieux regrette l’esprit de l’époque où les familles n’avaient pas encore déserté le square. Selon cette habitante, la présence du city stade aurait même « attiré des groupes de jeunes qui fument et vendent du shit, entraînant incivilités allant jusqu’aux insultes envers les parents, mais aussi des parties de foot nocturnes qui empêchent les habitants des immeubles voisins de dormir ». Adressée à Eric Lejoindre, le maire du 18e, cette pétition a recueilli 877 signatures.

Face à cette mobilisation et devant la crainte d’un démantèlement du terrain, l’ancien joueur de football Vikash Dhorasoo a répondu par une seconde pétition, « Touche pas à mon city stade ». Elle recueillie 887 signatures… en seulement quatre jours ! L’ancien footballeur y pointe la carence en espaces de jeu dans le quartier. Il assure également que le terrain de foot « fait le bonheur des jeunes et des moins jeunes », que le sport rassemble et apaise et qu’il crée de la mixité sociale en tant qu’ « espace de vie ». Ce sont donc bien des questions sociétales qui agitent les passions, au fond.

Depuis plus de dix ans les jeunes du quartier sont abandonnés

Le regard pétillant, Nelly, 70 ans, dame souriante et carré grisonnant, explique qu’avant l’installation récente du city stade au fond du parc Burq « les jeunes jouaient dans l’entrée et que pour les en empêcher des bancs avaient été installés ». Selon elle, la mairie a avant tout répondu à un besoin : « depuis plus de dix ans les jeunes du quartier sont abandonnés ». Les espaces libres, eux, sont « réquisitionnés pour le tourisme ». Quant aux plaintes des voisins, cette habitante reconnaît que « peut-être il y a eu des abus de certains jeunes » mais elle insiste sur le fait que « le problème de sécurité n’a rien à voir avec l’aire de jeu de ballon ».

City stade de Burq, des jeunes jouant au foot. Crédit : Scarlett Bain.
City stade de Burq : des grands et des moins grands jouant au foot ensemble. Crédit : Scarlett Bain.

« On n’est plus entre nous »

Mercredi dernier une réunion de quartier a eu lieu. Pour la première fois les opposants au city stade et ceux qui le défendent ont échangé leurs arguments. A l’aise dans ses baskets et lunettes de soleil sur le nez, Antoine, jeune homme de 21 ans, a grandi à Montmartre. Pour lui, cette rencontre a été révélatrice de la fracture entre les différents riverains. « Une dame a utilisé le terme : “on n’est plus entre nous”. Ça voulait tout dire, on n’est plus entre bourgeois, parents de famille… Elle avait l’air de dire : “on ne veut pas du côté populaire du quartier” ». Pour cet usager du city stade, l’une de ses fonctions réside pourtant là : « permettre aussi de rencontrer des petits qu’on croise depuis toujours mais qu’on ne fréquente pas… Ça crée un truc, une petite cohésion dans le quartier ».

Parmi leurs soutiens, les tenants d’un maintien du terrain de foot peuvent compter sur quelques poids lourds, comme l’ancien footballeur Vikash Dhorasoo. Toujours en survêtements, le sourire sincère et le parler franc, il invite les riverains à trouver une solution qui satisferait tout le monde. Fondateur de l’association Tatane, il promeut l’apprentissage du football comme un jeu populaire permettant de créer du lien social et surtout de se construire individuellement. « Il y a là, vraiment, la vie de gamins et de gamines qui est en jeu. Ils n’ont rien d’autre dans le quartier ». Pour cet ancien milieu offensif, connu également pour son engagement politique et associatif « c’est l’occasion aussi de relancer des choses qui lui tiennent à cœur : le vivre ensemble, le lien social et la mixité sociale ». Il appelle les deux partis à prendre le temps de penser le city stade comme un moyen de se rencontrer, de se connaître et de partager. 

Les soutiens réunis devant le city stade. Parmi eux Danielle Simonnet et Vikash Dhorasoo (au centre). Crédit : Scarlett Bain
Les soutiens réunis devant le city stade. Parmi eux Danielle Simonnet et Vikash Dhorasoo (au centre). Crédit : Scarlett Bain

« Il y a du racisme social »

Les partisans du City Stade peuvent également compter sur un autre soutien important. Danielle Simonet, élue LFI siégeant au Conseil de Paris, était aussi présente à cette journée d’action organisée à l’initiative de Vikash et des habitants. Elle qualifie les débats qui cristallisent autour du city stade du terme de « racisme social ». Pour cette ancienne candidate à la mairie de Paris, c’est bien de gentrification dont il est question : « ceux qui nous écoutent ne voient pas ce que je vois, mais je peux vous dire qu’il y a des beaux bâtiments […]. On est bien au-delà du 10 000  euros le mètre carré […]. Il y a un terrible contraste avec les jeunes du 18e, qui viennent dans leur diversité, avec leur vie, leur dynamisme, jouer là, donc je pense surtout qu’il y a cette peur des bourgeois vis-à-vis des jeunes du quartier ».

Les immeubles cossus qui surplombent le parc Burq. Crédit : Scarlett Bain.
Les immeubles cossus qui surplombent le parc Burq. Crédit : Scarlett Bain.

La mairie dans l’impasse

Et maintenant ? Contacté par Radio Parleur, le service communication de la mairie du 18e concède que : « la décision de remplacer l’aire de jeu réservée aux plus petits par un city stade a été prise sans concertation avec les riverains, pour répondre à un besoin pressant dans le quartier ».

À la première pétition faite par les opposants au terrain de foot, la mairie a bien faillit répondre par le démantèlement d’une infrastructure ayant tout de même coûté près de 30 000 euros. Devant la mobilisation menée par les partisans du maintien, elle a finalement décidé de rétropédaler : « le démantèlement n’est plus envisagé, du moins tant qu’une solution alternative ne sera pas trouvée ». Si elle espère définir très prochainement une issue qui puisse satisfaire tous les usagers des parcs, elle avoue ne pas en avoir trouvé pour le moment.

Pour signer la pétition, c’est par ici.

 

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