Mohamed est réfugié politique en France. Depuis 2011, la Syrie, son pays d’origine, survit au rythme d’une interminable guerre. Plus de 5 millions de personnes sont désormais réfugiées. Nourri d’idéaux de liberté et de démocratie, Mohammed raconte ses luttes, sa participation à la révolution et la guerre. Il évoque aussi la répression, la prison et les tortures. Cette histoire, c’est celle que vivent d’innombrables Syriens et Syriennes. Il témoigne pour Radio Parleur.

Mohamed Al Nossirat est réfugié politique. Il vit aujourd’hui à Toulouse. Photographie : Thomas Hiahiani pour Radio Parleur

À l’université Jean Jaurès de Toulouse, au milieu d’une foule d’étudiants affairée à rejoindre ses prochains cours, il se tient là, adossé au mur. Mohamed Al Nossirat est réfugié politique syrien. Il travaille comme documentaliste au centre de ressources lexicales de la faculté. Le jeune homme, souriant et sincère, s’installe dans la petite salle de réunion.

Mohamed, d’une voix toujours calme, raconte son parcours. Il voit le jour dans le petit village d’Abtaa, au sud de la Syrie. Pour faire ses études supérieures, il part à Deraa, au sud-ouest, près des frontières avec la Jordanie, le Liban et Israël.

Mohamed grandit dans un environnement politisé. Son père est membre dissident du parti au pouvoir, le Baas. Dans les faits, il s’oppose au régime. Victime à plusieurs reprises de répression, il subit l’emprisonnement sous le régime de Hafez Al-Assad, père de Bachar.

L’étincelle de la révolution

Mars 2011, les cris et les slogans résonnent dans les rues de Deraa. La ville est le foyer des manifestations étudiantes naissantes contre le régime de Bachar Al-Assad. Les observateurs considèrent cette grosse bourgade agricole comme un point de départ des soulèvements populaires qui éclatent contre le régime.

Mohamed, alors étudiant, décrit avec fierté sa participation aux premières manifestations. Il raconte son engagement, l’espoir naissant d’une société plus ouverte, à construire parmi les révolutionnaires. Il écrit des articles contre le régime, qu’il diffuse sur les réseaux sociaux. Le web devient l’outil de diffusion privilégié de la mobilisation. “Moi, avec mon téléphone je peux faire un reportage. Ça veut dire qu’on n’a pas besoin d’une caméra ou d’une équipe, etc.”

C’est très facile d’entrer dans les prisons mais tu n’en sortiras jamais”

Le régime de Bachar s’inspire de celui de son père. La répression envers les manifestants reste d’une grande violence. “Tout le monde était en prison”. Mohamed finit par être enlevé, devant son université, par des agents du pouvoir. Il est tabassé dans un parking avant d’être incarcéré. Il se retrouve dans les prisons secrètes du régime syrien. Dans cet enfer, il subit des tortures qui le marquent psychologiquement, même aujourd’hui. “Un poète syrien a dit : c’est très facile d’entrer dans les prisons mais tu n’en sortiras jamais. Moi, je comprend cette phrase.”

Une foule de personnes exilées, dans une gare de Vienne, en Autriche, en septembre 2015. Environ un quart de la population syrienne est actuellement en réfugiée en dehors du pays d’après l’ONU. Photographie : Creative Commons via wikimedia

Après plusieurs mois, il est finalement libéré. Mohamed sera réincarcéré deux fois pour “actes militants”. Face au régime, la révolution commence à décliner. À partir de 2017, il faut partir. Mohamed décide de quitter la Syrie par peur du régime. Le voici aujourd’hui en France, après une longue migration. Loin de son pays, il reconstruit une vie et témoigne de son parcours. Des paroles et un espoir, celui de jouer “un autre rôle” pour son peuple. “Raconter et dire quelque chose”, pour ne pas oublier.

Un entretien réalisé par Thomas Hiahiani.

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