Mardi 22 janvier se tenait à Paris une Assemblée générale antispéciste. La première du genre. Malgré de nombreuses tensions, reflet des oppositions au sein du mouvement, les quelques 300 militant.e.s sortent satisfait.e.s de l’issue des débats. Avec une cible commune : les cirques qui utilisent des animaux.

19h30, dans le 2e arrondissement de Paris. La salle Jean Dame est pleine. Un restaurant à deux pas a même été investi pour une retransmission en direct des débats. Une trentaine d’associations a répondu à l’appel, parmi lesquelles L214, connue pour ses révélations vidéos sur les pratiques d’abattage, Droit des animaux, ACTA, ou Earth Résistance. Après des années de mobilisation chacun de leurs côtés, toutes tentent de s’accorder sur un objectif commun pour lequel lutter afin d’obtenir au plus vite des résultats concrets.

“S’il existe des alternatives à la souffrance animale, pourquoi ne pas les utiliser ?”

Un jeune homme, observateur des débats, explique comment il est devenu antispéciste : « s’il existe des alternatives à la souffrance animale, pourquoi ne pas les utiliser ? Pour moi c’est avant tout une question de respect envers les animaux, les poules, les vaches, les cochons ». Un autre militant cite le journaliste Aymeric Caron et son livre Antispéciste : réconcilier l’humain, l’animal, la nature comme point décisif dans son évolution, d’abord vers le véganisme, puis les actions militantes. Il affirme : “mon engagement rejoint aussi mon combat écologiste”.

Les thèmes s’enchaînent : d’abord la fourrure de vison et de lapin, présentée par l’association Le Rêv’, puis la pêche “accidentelle” de dauphins sur les côtes françaises, présenté par l’association Sea Shepard, suivi des animaux utilisés dans les cirques, par Zoopolis, et enfin les fermes à sang, présentées par le collectif Boucherie Abolition. Ces dernières consistent à des élevages de juments, qui enceintes, produisent une hormone, l’ECG, utile à l’harmonisation des périodes de chaleur dans tout l’élevage industriel. Leur sang est donc prélevé pendant les trois premiers mois de la gestation, à raison de dix litres par semaines, avant qu’elles ne soient manuellement avortées.

Extrait de la captation en direct de l’assemblée générale antispéciste organisée le 22 janvier 2019 à Paris. Image : organisation pour le rassemblement antispéciste.

Des vidéos et des PowerPoint détaillent les actions et les possibilités de lutter contre un système spéciste. Il est proposé d’interpeller les représentants du pouvoir afin d’obtenir une législation en faveur des animaux, de bloquer des sites tels que des cirques ou des bateaux de pêches, ainsi que de sensibiliser les gens à la cause antispéciste. Tous peuvent poser leurs questions à la fin des présentations, puis le vote se fait par comptage à la fois des associations présentes et des militant.e.s.

« C’est dommage de ne pas réussir à mettre nos égos de côté »

Les tensions existent dans le mouvement antispéciste, et cette assemblée générale ne fait pas exception. Un groupe militant cherche à s’emparer du micro pendant les débats. Avant le vote, la parole leur est donnée : ils et elles lisent un manifeste contre Boucherie Abolition, un collectif accusé de racisme et de misogynie, notamment par les actes de sa présidente Solveig Halloin. Par ailleurs, une plainte a été déposée le 28 novembre 2018 par Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA pour menaces de mort.

Le verdict, rendu en appel mercredi 23 janvier 2019 lui donne raison et exige du collectif qu’il retire de son manifeste, publié sur Facebook, les propos incriminés. Certain.e.s regrettent ces tensions, ou ne savent pas à quoi elles sont dues. « Je ne connais pas vraiment les raisons du conflit, mais je suis étonné qu’en 2019 des associations ne soient pas capables de s’entendre, c’est dommage », regrette Raphaël, un sympathisant venu par curiosité.

 

Vidéo mise en ligne par l’organisation générale pour le rassemblement antispéciste pour annoncer l’assemblée générale organisée le 22 janvier 2019 à Paris. 

Après des débats houleux, la cible finalement retenue est celle du cirque. Un choix stratégique estime l’un des participants : « c’est un combat gagné d’avance, c’est assez fragile et c’est à notre portée ». L’association Zoopolis appelle donc à des rassemblements devant les lieux de pouvoirs, les mairies, les préfectures, afin de faire entendre leur revendication de ne plus exploiter les animaux sauvages et domestiques dans les cirques. Jeudi 24 janvier, une première action a réuni une cinquantaine de personnes à Paris, devant le ministère de la Culture.

Un reportage réalisé par Sophie Peroy-Gay