Les Gilets Jaunes semblent prêts à tenir leur mouvement, longtemps. L’acte X de la mobilisation a rassemblé près de 100 000 manifestant·e·s dans toute la France. Les manifestations, camion sono inclus, sont désormais déclarées, et les parcours déposés en préfecture. Des dizaines de rond-points sont toujours occupés, et la phase insurrectionnelle semble avoir laissé place à un début de réflexion politique sur un changement de système.

« Et pour le RIC allez allez… » les chants des supporters de foot ont désormais des paroles politiques. Efficaces et repris par tout·e·s les Gilets Jaunes rassemblé·e·s sous la grisaille parisienne samedi 19 janvier, les slogans exposent deux demandes elles aussi très politiques : le RIC, référendum d’initiative citoyenne, et une sixième République. De grand débat, point, si ce n’est pour le moquer, dans une ambiance tranquille qui semble avoir laissé l’insurrection derrière elle.

Le grand débat : « c’est du pipeau »

« C’est du pipeau, le grand débat, font ça avec les maires… mais les maires, c’est pas nous ! » Martine, tout droit venue du 91 avec des ami·e·s, n’a pas du tout aimé la manière dont ce débat a été présenté, excluant d’office certaines questions comme le rétablissement de l’ISF, auquel elle tient. Près d’une banderole « non au Grand Dégât », Mickaël n’est pas plus convaincu. « Chez moi, à Bourges, ce sera la semaine prochaine. J’irais voir, ne serait-ce que pour montrer que c’est n’importe quoi. »

Pas un seul Gilet Jaune veut laisser le système institutionnel tel qu’il est. La question du comment pose d’avantage de questions. Maxime, venu de Bourges lui aussi, est un peu perplexe. « Pour le RIC, il faut forcer le gouvernement à le mettre en place, parce que sinon il ne se passera rien. » D’abord le RIC, le reste suivra ? Jean-François Pelissier, co-porte-parole du parti Ensemble! partenaire de la France Insoumise, y voit une première étape intéressante. « Il y a une occasion historique de faire passer une loi, qui permettrait de faire des référendums sur des questions d’emploi et de justice sociale. »

Sixième République et muncipalisme

Quant à un changement plus profond des institutions, c’est encore trop tôt pour beaucoup de Gilets Jaunes. « La sixième République ? Oui, pourquoi pas, on en parle pas encore trop sur les rond-points chez nous, on vit au jour le jour », explique Martine. « Comme on voit que rien ne bouge là-haut, on continue de se mobiliser, et s’il faut tenir un an, on tiendra. » Le paradoxe est posé : demander que tout change « par là-haut », en comptant sur une organisation « par le bas ». Avec un parfum de municipalisme ? « Ce n’est pas du tout illogique », pour Jean-François Pelissier. « Il y a eu une dépolitisation depuis quelques années, il y a une culture politique qui ne s’est pas transmise. Les gens sont en train de se la construire. »

Crédit photo : Alban Eich à Lyon.