Le monde judiciaire s’est mobilisé ce mardi 15 janvier pour dénoncer la future réforme qui vise notamment à faire disparaître une justice de proximité.

L’ombre des Gilets Jaunes plane sur les robes noires. Mardi 15 janvier, entre 5000 à 8000 personnes venues de toute la France ont défilé à Paris pour dénoncer la réforme de la justice diligentée par la ministre, Nicole Belloubet. Des avocats, juges, greffiers, bâtonniers, magistrats, étudiants en droit ; l’ensemble de la profession s’est mobilisée pour défendre “l’intérêt du justiciable”.

Un cercueil pour symboliser la mort de la justice lors de la manifestation contre la réforme le 15 janvier 2019. Photo Laury-Anne Cholez pour Radio Parleur

Ils fustigent notamment la suppression de la fonction de juge d’instance, une juridiction de proximité qui gère les affaires courantes : du conflit de voisinage au surendettement. Des juges au service des plus faibles. “Nous voulons recoller cette justice au maillage territorial, revendiqué par les Gilets Jaunes. Car la réforme va centraliser le pouvoir dans les métropoles et désertifier nos territoires”, explique Marie Mazars, avocate à Nîmes, qui brandit une pancarte “Après les Gilets Jaunes, la colère noire”.

Après les gilets jaunes, la colère noire. Manifestation contre la réforme de la justice à Paris le 15 janvier 2019. Photo Laury-Anne Cholez pour Radio Parleur.

Lutter contre la désertification judiciaire

Un exemple concret de cette désertification, sa consoeur Caroline Rumbach, avocate au barreau de Metz, n’a pas le chercher très loin. “Si le tribunal d’instance de Sarrebourg saute, il faudra faire 200 kilomètres pour régler un problème de voisinage” explique-elle, tenant à la main une sorcière à l’effigie de Nicole Belloubet. Une figure symbolique pour dénoncer l’attitude d’une ministre sourde aux appels de ses administrés. “Ceux qui n’auront pas assez d’argent pour faire le plein d’essence et aller voir le juge vont laisser tomber. Et c’est ce qui est sûrement ce qui est recherché à terme. Soit disant pour désengorger les tribunaux. Alors que nous aurions au contraire besoin de plus de moyens pour avoir plus de greffiers, plus de juges”, tranche-t-elle. La ministre avait pourtant assuré qu’aucun tribunal ne serrait fermé. “Elle ment”, tranche Guillaume Prat, avocat à Lannion. “On n’annonce pas de fermetures, mais des suppressions de compétences, ce qui revient au même”.

Nicole Belloubet, ministre de la Justice grimée en sorcière lors de la manifestation contre sa réforme le 15 janvier 2019. Photo Laury-Anne Cholez pour Radio Parleur

Inégalité face à l’accès au droit

Autre crainte : celle d’une justice d’algorithmes, avec la mise en place de services en lignes pour résoudre à l’amiable certains litiges, dans un pays où 13 millions de personnes n’ont pas accès au numérique. “Vous aimeriez vous que la justice soit rendue par un robot ? “ interroge Guillaume Prat.

La rallonge budgétaire annoncée de 3 milliards d’euros sur quatre ans ne suffit pas à les calmer. “On devrait être en train de discuter de quel tribunal rouvrir, d’où remettre de l’accès au droit. Mais ce n’est pas le cas. Sur cet argent, 1,7 milliards vont être dédiés à la construction de nouvelles places de prison. 500 millions d’euros pour le logiciel qui fera l’interface entre la justice et l’intérieur. A la fin, il ne restera que des clopinettes “, dénonce Ugo Bernalicis, député France Insoumise.

Les professionnels du droit réclament que cette réforme soit discutée lors du grand débat national. Et ne relâcheront pas la pression tant qu’ils n’auront pas été entendus.

Réécoutez notre premier reportage sur la réforme de la justice à Montpellier, publié en décembre dernier.