Ce samedi 1er décembre 2018 une révolte d’ampleur inédite a eu lieu à Paris. Selon le préfet de police de Paris : “jamais les fonctionnaires n’avaient rencontré une telle violence”. En soi, un véritable soulèvement constaté par nos reporters présents sur place. Retour sur une journée marquée d’un embrasement collectif.


La dernière journée de mobilisation nationale des Gilets Jaunes, ce samedi 1er décembre, avait un véritable goût d’insurrection. Des abords de la place de la Concorde jusqu’à Saint Augustin en passant par la place de l’Etoile, des voitures brûlées, des chants furieux, des émeutes et gazages massifs. Partout, une énergie électrique et un sentiment de révolution indéniable. Dès lors, la question de la convergence des luttes se pose. Dans cette manifestation : des cheminots, des chauffeurs, des chômeurs, des étudiants, des jeunes de banlieue, des féministes, des membres du Comité la vérité pour Adama, mais aussi des militants d’extrême droite. Il reste que dans la majorité des cortèges, le mot d’ordre n’est pas nationaliste mais clairement pour la répartition des richesses et contre le président Macron et son gouvernement.


Dès 9 heures, les forces de l’ordre gazent des Gilets Jaunes près des Champs Elysées. Une répression particulièrement violente s’abat sur les manifestants qui souhaitent rejoindre l’avenue avec l’usage immodéré de grenades lacrymogène, désencerclantes et assourdissantes (GLI-F4) et des tirs de flashball. Certains de ces militants fluo dépavent le boulevard Haussmann, érigent des barricades dans toutes les rues avant de les enflammer. Les habitants de ces quartiers très riches passent terrifiés devant des boutiques de luxe pillées. L’image du “casseur” qui commet des violences en “marge” de la manifestation, qui se glisse et profite de la confusion pour se “défouler” est niée par beaucoup de participants. Ici, on applaudit à la vue d’une vitrine de la Société Générale explosée. Là, on criait “les casseurs nous défendent, c’est ça la révolte”. Comme nous le dit Mariam, 43 ans et habitante du département de l’Yonne : “on est habitué à des situations cordiales avec les forces de l’ordre. Mais là on est obligé de se défendre. Je ne vois pas de casseur, je vois seulement des Gilets Jaunes qui combattent les forces de l’ordre.”

La question de la présence de l’extrême droite semble aussi particulièrement importante pour beaucoup de Gilets Jaunes. Certains arborent des stickers “Gilets Jaunes Anti-Racistes”. Le Comité vérité pour Adama a fait le déplacement. Assa Traoré, soeur de Adama Traoré tué par des gendarmes, confirme ce positionnement : “on ne doit pas laisser le terrain aux Gilets Jaunes racistes. Le combat pour Adama a sa place avec les Gilets Jaunes”. Des étudiants étrangers ont également rejoint les Gilets Jaunes, notamment Selma, marocaine en première année de thèse à l’EHESS venue lutter contre la hausse des frais d’inscription pour les étudiants étrangers. “La lutte des Gilets Jaunes c’est une lutte des précaires, des racisé.e.s, il y a potentiellement une convergence.” Aux abords de la Place de la Concorde, une voiture de police est incendiée tandis qu’un canon à eau arrose des Gilets Jaunes qui le caillassent. La situation est confuse même si l’atmosphère reste joyeuse sous les notes lancées par la Fanfare Invisible, et grâce aux chants et cris de joies. L’étudiante étrangère semble apprécier cette détermination : “Toutes les luttes commencent par des problèmes individuels comme ça et après ça devient des luttes vraiment idéologiques. Je souhaite que ça soit un mouvement global et que les étudiants étrangers y aient leur place !”


Alors qu’au printemps dernier, la convergence des luttes était l’un des mots d’ordre des syndicats lors du mouvement des cheminots, il semble que cette atmosphère révolutionnaire portée par les Gilets Jaunes puisse remporter ce pari d’amener les différentes forces sociales, les classes populaires et moyennes à manifester ensemble contre Macron et son monde. Le suite au mardi 4 décembre 2018 où un rassemblement est organisé notamment par les Insoumis, rassemblés sur la page facebook “La Fête à Macron” devant l’Assemblée Nationale à 18h30.

Un podcast de Clara Menais et Ivan Vronsky