Entre soulèvement populaire, révolte “poujadiste” et récupération politique, le mouvement pose beaucoup de questions. Samedi 17 novembre 2018, c’était la grande journée de mobilisation des gilets jaunes, qui entre désormais dans son quatrième jour. Une nouvelle grande journée de mobilisation est prévue samedi prochain.


L’extrême gauche en rêve depuis des décennies, les gilets jaunes l’ont fait en un mois : un soulèvement spontané, non affilié, en dehors du cadre syndical. Avec plus de 2000 points de mobilisation et quelques 280 000 manifestants, selon la préfecture, la journée du 17 novembre marque un succès dans la mobilisation. Toute la journée, les gilets jaunes ont bloqué des autoroutes, occupé des points stratégiques. À Paris, des barricades ont été improvisées sur les Champs-Élysées.

Le mouvement se poursuit dans la plupart des régions, et s’attaque désormais aux raffineries, comme celle de Grandpuits en région parisienne, bloquée ce matin, et l’habituelle raffinerie de Fos-sur-Mer. Hier, plusieurs manifestants ont été interpellés, dans le Calvados, les Côtes-d’Armor et la Saône-et-Loire. Un homme est également en garde à vue en Mayenne, pour avoir menacé de “crucifier les préfets”.

Dans la foule des participants parisiens samedi dernier, des chômeurs, des chauffeurs de taxis, des retraité・es, des petit・es patron・nes… et quelques militants de l’Action Française. Si le point de départ du mouvement est bien l’augmentation de la taxe sur le diesel, les participant・es se parlent plutôt de fins de mois difficiles, de la vie toujours plus chère, de ces APL réduites de 5€ ou de cet ISF dont on a dispensé les riches. Le gouvernement qui méprise, qui ignore, et qui “ne parle qu’aux riches” est la cible n°1. Des scènes surréalistes animent la place de la Concorde : ici on parle d’aller faire une visite à l’Elysée, là une mère de famille, qui “n’a jamais manifesté”, monte avec détermination une barricade avec ses filles.

Des aggressions racistes et homophobes rapportées

Au lendemain du mouvement, des agressions racistes, homophobes et islamophobes ont été recensées. Cela interroge : est-on face à un mouvement réactionnaire, voire d’extrême-droite ? Pourtant, tous ceux à qui nous avons posé la question le revendiquent : ils ne se sentent représentés par aucun parti d’opposition, de droite comme de gauche. Et d’ailleurs, ils n’en veulent pas, des partis.

Pour le moment, les gilets jaunes prennent une multitude de formes et ne semblent pas vouloir s’inscrire dans une tradition définie. Pour autant, selon un participant : “aux militants de gauche de s’emparer de la mobilisation, pour lui donner un discours clairement positionné contre le capitalisme et l’extrême droite.”

Un reportage de Clara Menais et Ivan Vronsky.