Le groupe Carrefour veut fermer 273 magasins de proximité. Que vont devenir les 2.100 salarié·e·s ? Pour les quelques reclassé·e·s, l’avenir est incertain, entre reprises des magasins par des enseignes parfois inconnues et ruptures conventionnelles. Frédéric Roux, délégué national CGT de Carrefour proximité, peine à construire une mobilisation pour sauver les derniers emplois menacés.

« Ils se croient vraiment tout permis »

Pour Fréderic Roux, qui fait grise mine ce lundi 22 octobre, il faut tout rediscuter. « Ce matin, j’ai appris que Carrefour voulait revenir sur des points du PSE déjà négociés… ils se croient vraiment tout permis. » PSE, pour Plan de Sauvegarde de l’Emploi. Trois lettres cruciales pour le délégué CGT mais aussi pour les 300 employé·e·s des anciens magasins Dia, l’enseigne à bas prix du groupe, qui risquent toujours de perdre leur travail.

Le plan « Carrefour 2022 » établi en janvier par Manuel Bompard, PDG de l’entreprise, annonçait la fermeture de 273 magasins Dia, pour se concentrer sur le digital et l’e-commerce. Il s’engageait à l’époque à reclasser la moitié des 2100 salarié·e·s touché·e·s par ce plan et à chercher des repreneurs pour les magasins. Ce Plan de Sauvegarde de l’Emploi semblait bien balisé, du moins en apparence.

1300 emplois supprimés, 300 encore menacés

Aujourd’hui, près de 1300 salarié·e·s ont déjà été licencié·e·s, et 300 autres sont sur la sellette. « Malgré les promesses de Carrefour, seuls 95 salariés ont été reclassés et 300 sont en période transitoire », explique Mr Roux. Les offres de reclassement se sont trouvées être bien en dessous de ce à quoi ces travailleurs et travailleuses pouvaient prétendre. Paul*, employé au magasin de Melun, confie qu’il s’est vu proposer un travail au SMIC, lui qui est chef de magasin depuis des années avec un salaire à plus de 2000 euros. Et ces propositions de reclassement au rabais sont légion. « En moyenne les salariés perdent au moins 300 euros sur leur salaire », déplore Frédéric Roux.

Face à cette situation, les salarié·e·s sont très peu mobilisé·e·s. Le syndicaliste a donc déserté la rue pour se concentrer sur l’aspect juridique depuis le mois d’avril. Ils ne seraient plus qu’une dizaine de délégué·e·s CGT à faire ainsi le tour des établissements encore ouverts pour informer les employé·e·s et suivre leur parcours de reclassement. Ils les trouvent épuisé·e·s, à bout de nerfs, prêt·e·s parfois à accepter des offres au rabais. « Les salariés sont trop occupés à gérer leurs propres problèmes pour se mobiliser. Ceux qui ne sont pas licenciés ont peur pour leur emploi », explique-t-il.

Un procès de la dernière chance

Mercredi 24 octobre, le tribunal administratif de Caen examinait un recours déposé par la CGT. Le syndicat reproche notamment à Carrefour d’avoir attendu la signature du plan pour annoncer la reconversion des magasins Dia en Carrefour Drive piéton. Un système qui permet aux clients d’aller facilement chercher leurs achats faits en ligne. L’enseigne affirmait vouloir développer ce type de magasins en janvier. L’avocate du syndicat dénonce un « projet qu’on annonce quelques semaines après la fin de la procédure alors qu’il était déjà dans les tuyaux depuis le début. » Ces Drive piéton auraient pu servir de lieu de reclassement pour les salarié·e·s des anciens Dia si l’information n’avait pas été diffusée après la fin des négociations.

Malheureusement, même si la CGT gagne, les emplois supprimés ne seront pas sauvés. Par contre, cela permettra peut-être aux 300 salarié·e·s encore sur la sellette de souffler, et au PSE d’être renégocié « dans les règles de l’art » martèle Frédéric Roux.

Le jour J, pas de manifestation devant le tribunal qui nous accueille, pour cause de travaux, dans une antichambre de la taille d’un studio d’étudiant·e. Le délégué CGT est présent ainsi que quatre de ses camarades venu·e·s pour le soutenir. A la sortie de l’audience, l’avocate de la fédération CGT se montre plutôt confiante. « Le tribunal a été plutôt à l’écoute, notamment en ce qui concerne les Drive piéton », explique-t-elle. Néanmoins, elle insiste sur l’importance de se méfier des impressions d’audience. Le rapporteur public a rejeté toutes les requêtes de la CGT. « Dans ce genre d’audiences, c’est mauvais signe », confie une syndicaliste. La décision de cette audience sera rendue le 8 novembre prochain.

* Le prénom a été modifié