Pour dénoncer la précarité des mal-logé·e·s, l’association Droit au Logement (DAL) a installé un campement provisoire sur les Champs-Elysées. Par cette action, elle veut rendre visibles les conséquences catastrophiques de la Loi Elan, conçue d’après elle pour « aider les spéculateurs immobiliers à gagner encore plus d’argent ».

Vivre avec ses valises à la main

Nous sommes sur la plus prestigieuse avenue du monde, à quelques centaines de mètres du palais de l’Elysée. Depuis dimanche 9 septembre, des militant·e·s de l’association Droit au Logement (DAL) campent devant la sortie même du métro Champs-Elysées Clemenceau pour dénoncer la politique ubuesque du gouvernement envers le mal-logement.

« Nous sommes ici pour rendre visible la cause des mal-logés, souvent isolés et sans tribune médiatique. On les amène sur la place publique afin de poser les débats autour de la question du logement », explique Rémy, militant au sein de l’association. L’occasion de sensibiliser les badauds aux conséquences du projet de Loi logement 2018, ou loi ELAN, et à ses mesures qualifiées d’« anti-pauvres ». Les passants, souvent en costume cravate, s’arrêtent rarement devant les banderoles qui proclament le slogan du DAL : « un toit = un droit ».

Ce projet de loi ELAN, qui doit être définitivement adopté fin septembre, a pourtant un programme qui hérisse les organisations de défense des mal-logés. Détricottage de la loi SRU obligeant chaque commune à proposer au minimum 25% de logements de sociaux sur son territoire, division par deux des délais d’expulsion, vente des HLM aux bailleurs privés, parmi d’autres mesures. « Pour les plus précaires, cela reviendra à vivre avec ses valises à main », soupire Rémy.

4 millions de mal-logés en France

Selon le rapport de la fondation Abbé Pierre, près de 4 millions de personnes restent mal logées ou privées de domicile en France. Au DAL, 250 personnes vivent dans des situations tragiques. Sarah habite dans un studio de 10 mètres carrés avec son mari et ses deux enfants. Malgré son travail d’animatrice, elle et son mari n’arrivent pas à trouver un logement décent.

Aïcha vit dans 26 mètres carrés avec ses deux filles et son mari.« Il y a des personnes qui ne travaillent pas et à qui on donne quand même des logements. Je ne comprends pas. » Anane vit à l’hôtel avec deux enfants depuis un an. « On est sur la plus belle avenue du monde. Mais on veut montrer que dans cette ville, il y aussi des gens qui vivent dehors. » Pour pallier au problème, elle propose de réquisitionner les appartements vides. Selon un rapport de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) 26% des logements parisiens restent inoccupés. « On compte aujourd’hui 3 millions de logements vides contre un million il y a dix ans » expliquait Jean-Baptiste Eyraud fondateur du DAL au micro de Radio Parleur. 

« Au moins, on est en sécurité la nuit avec un commissariat si proche »

Sur les Champs-Elysées, les occupant·e·s se reposent avant le dîner qu’apporte une association. Les policiers les surveillent de loin, sans intervenir. « Au moins, on est en sécurité la nuit avec un commissariat si proche. Seuls les rats nous embêtent un peu », témoigne une femme qui dort ici depuis plusieurs nuits. Un peu plus loin se trouve Jacques, qui vit dans l’appartement de ses parents depuis 1937 et qui va se faire expulser dans quelques jours, affirme : « En France, même les poubelles ont un toit, ça s’appelle un local à poubelle et c’est réglementaire ».

En attendant que les êtres humains jouissent des mêmes droits que nos conteneurs à déchets, le DAL restera tous les jours sur les Champs-Elysées jusqu’à la fin de la semaine. Pour prolonger la contestation, une manifestation devant le Sénat est prévue le 19 septembre.