Une exposition consacrée aux luttes sociales. C’est plutôt rare, alors autant en profiter ! Direction le Jeu de Paume à Paris pour Soulèvements, une exposition qui questionne le domaine de l’art, inspiré par les révoltes, les bouleversements, les révolutions … 

“ Soulèvements  est une exposition transdisciplinaire sur le thème des émotions collectives, des événements politiques en tant qu’ils supposent des mouvements de foules en lutte : il sera donc question de désordres sociaux, d’agitations politiques, d’insoumissions, d’insurrections, de révoltes, de révolutions, de vacarmes, d’émeutes, de bouleversements en tous genres.” Une expo pour réfléchir à la dimension artistique de la lutte et aux traces que laisse chaque conflit dans notre histoire …”

Amen…Pour une fois le texte d’annonce se suffirait presque à lui même. Visiter Soulèvements c’est partir à la rencontre d’une forme d’art rarement mise en avant, celle qui naît des images, des œuvres, des textes consacrés aux luttes sociales, aux révolutions ou aux révoltes.

Des photos de Cartier-Bresson au manifeste de Georges Bataille, c’est un mélange, parfois improbable, mais toujours étonnant, d’œuvres anciennes et contemporaines. Au détour des salles on croise des lanceurs de pierre, une oratrices exaltée qui tient la foule dans sa main et des humains en souffrance.  La révolte elle, est racontée dans chacun de ses aspects, de sa naissance dans les esprits à sa répression sur les corps. “Tant sont morts de s’êtres soulevés” rappelle l’un des textes qui, dans chacune des salles, illustre la démarche de George Didi-Hubermann, historien de l’art et commissaire de l’exposition.

Benjamin Bardinet est conférencier au Jeu de Paume. Il y accompagne les visiteurs. A chaque fois, il met en garde : “Ne surtout pas aborder Soulèvements comme une exposition historique. C’est un travail qui se concentre sur l’élan artistique que suscitent les luttes”.

“Cette exposition témoigne des formes que peuvent prendre les soulèvements”

 Ces formes on les retrouve, juxtaposées entre elles, en parcourant les salles où un dialogue étonnant se construit alors. On marche, on s’arrête, on regarde. Devant nous défilent les photos des mobilisations contre le sommet de l’Organisation Mondiale du Commerce. Nous sommes à Seattle en 2001. Au loin, le murmure d’une œuvre vidéo nous accompagne. Ce sont des dizaines de bouches qui sont projetées sur le mur. Elle murmure en boucle, l’air d’une chanson de lutte.  

L’exposition se divise en cinq sections distinctes. De l’origine des soulèvements à l’expression de la révolte, du soulèvement à  la répression quasi-systématique, bien souvent atroce et sanglante. Certaines images sont douloureuses à regarder, comme ces enfants qui, en 1936, en pleine guerre d’Espagne, s’amuse à fusiller pour de faux leurs camarades. On pense au tableau Tres de Mayo de Francisco Goya. Aussi, un lien avec des oeuvres majeurs du XX ème siècle, comme le Guernica de Picasso, retrouve régulièrement le visiteur.

“Les soulèvements laissent une trace, des artistes s’emparent de leurs idées”.

 Au final, on sort de Soulèvements la tête pleine de réflexions. Des pensées provoquées, entre autre,  par les très beaux textes que l’on retrouve dans chaque salle, et dont vous pouvez entendre les lectures au cours de ces extraits d’interview avec le conférencier Benjamin Bardinet. On y puise une vision nouvelle des mouvements sociaux. De nos souvenirs remontent alors toutes les formes artistiques croisées sur les places et dans les cortèges.

On accuse souvent les musées d’être détachés des mouvements de notre société, de proposer pour la énième fois les peintures des impressionnistes ou encore le meilleur des Picasso. Avec cette exposition, le Jeu de Paume s’inscrit dans l’air du temps et propose une résonance particulière avec les mobilisations qui ont agité notre pays ces derniers mois.

A voir donc, pour réfléchir à son propre engagement et se coucher, s’affaisser une fois de plus, un peu moins bête le soir venu. 

“Il y a toujours une puissance qui accompagne les soulèvements. Elle ne les conduit pas forcément au pouvoir”.

 

L’exposition Soulèvements est visible au Jeu de Paume, 1 place de la Concorde à Paris jusqu’au 15 Janvier. Prix d’entrée : 10 Euros.

Les lectures des textes de l’exposition sont assurées par Camille, Lorene et Bastien, bénévoles à Radio Campus Paris. Merci à eux.

Article de Martin Bodrero