« C’est tous ensemble qu’on va gagner ! » Mardi 19 mars, les syndicats ont pris la rue pour un jour de grève interprofessionnelle. Une manifestation unitaire avec notamment la CGT, FO et Solidaires. Dans le cortège parisien, quelques Gilets Jaunes déambulent, mais pour les leaders syndicaux, malgré 4 mois de mobilisation, l’heure n’est pas encore venue de soutenir le mouvement.

Cortège de la CGT, à Paris, lors de la manifestation du 19 mars 2019. Photographie : Syndicat CGT

Il est 13 h, place Edmond Rostand, près des grilles du Jardin du Luxembourg, à Paris et les personnalités en tête du cortège répondent à quelques questions avant que les manifestants ne s’élancent. Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT a le sourire. À ses yeux, la journée est déjà une réussite. Les cortèges rassemblent entre 130 000 et 35 000 personnes dans toute la France. « Plus on est mobilisés de façon regroupée entre syndicats, de façon unitaire, plus on donne de chance au monde du travail », indique-t-il avant de souligner le besoin de rassemblement avec les mouvements climats.

Pour les Gilets Jaunes, le leader syndical avance à pas comptés, plus de 4 mois après le début du mouvement et toujours pas de véritable soutien affiché. “On apprend à se connaître“, explique Philippe Martinez. Une réponse en demi-teinte qui se traduit dans la composition du cortège, bien moins parsemé de Gilets Jaunes que le 5 février dernier.

« Les manifestations ne changeront pas le système »

Le défilé des nombreuses sections syndicales s’élance. Une marche autour de leurs habituels camions-ballons. Ils étaient 50 000 dans la capitale selon la CGT. Les instituteur.trice.s, opposé.e.s aux réformes Blanquer, en grève pour 40 % des effectifs selon le SNUipp-FSU, côtoient les postiers du 92 dont la grève se poursuit depuis près d’un an. Les étudiants “carrés rouges” marquent leur opposition à la ministre, Frédérique Vidal, aux côtés de nombreux retraités ainsi que des personnels soignants en lutte, et des fonctionnaires, redoutant le programme d’Action publique 2022.

Cortège de la CGT à Marseille lors de la manifestation du 19 mars 2019. Photographie : Syndicat CGT

Les slogans sont offensifs, mais la manifestation reste bon enfant. « La violence est un aveu de faiblesse. Nous, nous appelons à manifester dans le calme », avait annoncé Yves Veyrier, secrétaire général de Force Ouvrière. Valérie est militante syndicale de SUD Santé Sociaux. Elle nous confie pour sa part que si les manifestations interprofessionnelles « servent à se compter», elles « ne changeront pas le système». À ses yeux, le temps est venu pour « la convergence des luttes ». Elle se joint d’ailleurs à la plupart des Actes des Gilets Jaunes des samedis.

Soutenir seulement « les Gilets Jaunes qui défendent les mêmes revendications ».

Plus loin, une responsable syndicale de la CGT demeure plus prudente et ne soutient « que les Gilets jaunes qui défendent les mêmes revendications » qu’elle. Pour de nombreux militants syndicaux de la base, les syndicats devraient pouvoir apporter leur expertise et soutenir les Gilets Jaunes qui, comme Éric Drouet ou Jérôme Rodrigues, lancent régulièrement des appels à la grève générale et au blocage de secteurs économiques clés. Pas suffisant pour rassurer les états-majors syndicaux, qui restent encore très prudents face à des figures médiatiques qu’ils ne comprennent pas.

Une pancarte à Paris lors de la manifestation du 19 mars 2019. Photographie : Syndicat CGT

Les Gilets Jaunes, justement, sont présents par dizaines, un peu plus loin. Ils et elles sont massé.e.s autour de figures, comme Jérôme Rodrigues ou Sophie Tissier. Ils ne sont pas les derniers à donner de la voix et discutent volontiers avec les différents syndiqués qu’ils croisent. L’un d’entre eux nous confie cependant que les syndicats lui semblent bien utiles en entreprise, mais qu’au niveau national, « ils ne sont plus efficaces, ces manifestations-ballades n’amèneront pas le gouvernement à se plier aux revendications de justice sociale et écologique portées par tous les mouvement contestataires ».

Les Champs-Élysées : lieu de « violences inadmissibles »

La manifestation se poursuit sans heurts, jusqu’au Champ-de-Mars, avant de se disperser sous l’œil attentif des policiers. Avant de partir, un syndicaliste confie ses craintes face aux nouvelles décisions contre la liberté de manifester annoncées par le Premier ministre, Édouard Philippe, cette semaine. Un point commun de plus entre Gilets Jaunes et Gilets Rouges, pour la plupart des militants de la base que nous avons rencontrés. Pas de quoi acter la convergence pour Yves Veyrier (FO). Interrogé par le quotidien Le Monde , il en a profité pour dénoncer les  « violences inadmissibles », commises samedi 16 mars sur les Champs-Elysées.

Un reportage réalisé par Étienne Gratianette.