Les biffin.es, ces chiffonniers du XIXe siècle, ont revendiqué vendredi 1er mars le droit de travailler sans être pourchassé.es par la police. Leur activité de recyclage d’objets usagés possède en effet une dimension écologique qu’ils aimeraient faire reconnaître.
Vendredi 1er mars, place Stalingrad, sous la grande banderole de l’association AMELIOR (Association des Marchés d’Economies Locales, Indépendants, Organisés de la Récupération) trône, écrite en blanc sur du rouge, la revendication des biffin.es : le droit au travail. Autrefois connus sous le nom de chiffonniers, ces hommes et ses femmes recyclent des objets usagés, jetés, donnés ou échangés afin de les revendre à moindre coût. Aujourd’hui, ils.elles participent à la journée mondiale des récupérateurs de “déchets” pour revendiquer le droit de travailler sans être traqué.es par la police. Un événement lancé il y a 27 ans suite au massacre d’une dizaine de recycleurs en Colombie.
Les biffin.es encourent en effet de lourdes amendes, voire des peines de prison, pour leur activité de revente, considérée comme illégale en France depuis les lois Loppsi II. « On attend qu’on nous donne le droit de travailler, comme tous les travailleurs. Et aussi plus de place sur les marchés », affirme une des rares biffines présente à la manifestation. Martine retraitée de 65 ans est biffine depuis plus de 40 ans. Elle a eu plusieurs fois à faire à la police : « convoquée au commissariat, menottée et jugée». Elle ajoute avoir même reçu des amendes pouvant aller de 60 à 200 euros. Pourtant, Martine ne revend que ce qu’elle trouve et « retape » dans les poubelles. Elle a commencé cette activité à l’âge de 17 ans avec son fils à l’époque « tout petit » pour « pouvoir manger ».
« Je veux rester libre »
Martine raconte la lutte qu’elle a menée depuis 2009 avec d’autres biffin.es pour obtenir des carrés qui leur soient dédiés sur les marchés, comme celui Porte Montmartre, géré par l’association Aurore, ou encore celui situé Croix de Chavaux à Montreuil. Mais cette solution demeure inadaptée, privant les biffin.es de leur autonomie selon Martine. « Moi je fouille dans les poubelles, je fais mes choses et je vais vendre où je veux. Je veux être libre ! ». De plus, les places sur les marchés ne sont plus suffisantes, le nombre de biffin.es ayant augmenté ces dernières années. Samuel Lecoeur, président de l’association des biffin.es ajoute que le carré Porte Montmartre « coûte très cher donc rend difficilement reproductible le dispositif ».
« C’est un vrai bonheur pour moi »
Après toutes ces années de biffe à son actif, Martine a développé une véritable passion pour « la création ». Chez elle, tout est récupéré : une belle armoire avec des motifs chinois, des masques vénitiens, des valises pleines de tissus, des livres par centaines. Des «milliers de trésors » trouvés dans les poubelles.
Sur une étagère au milieu de ses innombrables objets, un cadre sur lequel est inscrit, non sans ironie « Je dépense donc je suis…Des cartes de crédit ». Quand on lui demande ce qu’elle pense de cette inscription, Martine affirme qu’on vit dans une société trop matérialiste et que les gens jettent trop alors que beaucoup d’objets pourraient avoir une seconde vie.
Une source de revenu profitable à la planète
Une grande majorité de biffin.es sont dans une situation de grande précarité. Certain.es bénéficient du RSA, d’autres sont retraité.es à la recherche d’un revenu complémentaire. Un.e sur deux est sans logement ou mal logé.e. Ces marchés leur permettent de gagner en moyenne 100 euros par jour, souvent leur seule source de subsistance. Une étude publiée par deux sociologues Stéphane Rullac et Hugues Bazin intitulée « Les biffins et leurs espaces marchands : seconde vie des objets et des hommes » a montré que l’activité de biffe permet, en plus d’assurer la subsistance, de développer son capital social et professionnel tout en contribuant à l’économie sans peser ni sur les services sociaux ni sur la planète. Samuel Lecoeur, le président de l’association des biffin.e.s renchérit. « Réduire les déchets, recycler, réemployer sont des objectifs communs et politiques. Pourtant, les élus dépensent des millions d’euros pour les chasser, leur confisquer leurs biens et les détruire via des sociétés de bennes privées qui coûtent très cher ». Alors qu’une solution écologique et socialement vertueuse est juste sous leurs yeux.