La cabane des Gilets Jaunes inaugurée dimanche 3 mars Place des Fêtes à Paris, a été détruite dans la nuit du 5 mars par les équipes municipales de nettoyage. Un triste sort déjà subit par d’autres structures partout en France. Récit d’une courte tentative “d’importer des ronds-points” à Paris.
Mardi 5 mars. Il est deux heures du matin. Les services municipaux de nettoyage s’activent sur la Place des Fêtes dans le 19e arrondissement de Paris. Ils jettent ficelles, bâches et palettes ; matériaux de construction de fortune utilisés par les Gilets Jaunes pour construire leur cabane. Depuis une dizaine de jours, ils s’activaient pour donner vie à ce lieu, au milieu des tours d’un quartier encore populaire. “On est en train de faire un rond point”, explique Valentin, l’un des participant.e.s.
“Le mouvement des Gilets Jaunes a prospéré grâce aux groupes de solidarité. En ville, on a toujours manqué de ça et on s’est retrouvés dans des manifestations à Paris. Mais la plupart des gens venaient d’ailleurs. On essaie donc de multiplier les ronds-points à Paris, pour faire un modèle”.
Rosa, une habitante du quartier, cuisine les invendus pour le repas commun qui sera partagé le soir. “On a voté pour Emmanuel Macron mais maintenant on ne sait pas ce qu’il se passe. Je suis venue pour aider et donner à manger aux gens qui sont dans la rue”. Un peu plus loin, une autre voisine veut discuter et partager ses idées avec les Gilets Jaunes. “Pas éplucher les oignons…“. Elle trouvera bien rapidement des camarades pour débattre. Ici, l’intérêt est de relier les Gilets Jaunes aux quartiers populaires. “C’est important de se retrouver avec les gens du quartier afin de comprendre comment on peut les aider”, raconte Garance, occupée à couper les oranges pour le dessert du soir.
Une destruction en toute discrétion
Jusqu’à présent, la mairie et les forces de l’ordre les avaient laissés tranquilles. “Un soir, on a vu des flics venir à deux heures du matin en disant qu’ils étaient aussi Gilets Jaunes. Ils en ont marre d’être détestés”, souligne Garance. Mais le ton semble s’être durci avec cette destruction de la cabane. Radio Parleur a contacté la mairie de Paris, celle du 19e arrondissement et la Préfecture pour en savoir plus. Des requêtes restées sans réponse. “Si la mairie a demandé cette destruction, c’est une erreur politique. Car il se passait quelque chose au cœur de cette place des Fêtes en réhabilitation pour devenir un espace d’investissement citoyen et de démocratie”, analyse Hadrien Bortot, secrétaire de section du PCF 19e.
Dans le même quartier, un autre symbole du mouvement Gilet Jaune a été effacé début mars. Il s’agit de la fresque « l’hiver jaune », réalisée par le collectif Black Lines sur un mur de la rue d’Aubervilliers. Selon Hadrien Bortot, la société propriétaire du mur aurait été sommée par des élus de la mairie de Paris de détruire l’œuvre.
L’anéantissement de toute tentative d’occupation de l’espace public par les Gilets Jaunes n’est pas nouveau. En décembre dernier, il y avait déjà eu une vague de destruction de campements à Limoges (Haute-Vienne), Vannes (Bretagne), Voreppe (Isère) avant de reprendre dès janvier à Manosque (Provence), Beauvais (Oise) ou encore à Forbach (Lorraine). Certaines cabanes ont aussi été victimes d’actes malveillants et détruites par un incendie, comme à Saint-Just-Malmont (Haute-Loire) ou Montchanin (Saône-et-Loire).
A Montreuil (Seine-St-Denis), la cabane installée quelques temps avant celle de la Place des Fêtes a également été vandalisée avant d’être rapidement reconstruite.
Dans un communiqué, les Gilets Jaunes de la place des Fêtes appellent à un rassemblement jeudi 7 mars à 18 heures devant la mairie du 19e pour protester face à “cet acte de répression”. “Vous ne casserez pas ce mouvement avec ce genre d’intimidations. Nous reconstruirons. On ne lâchera rien. Nous tiendrons jour et nuit s’il le faut”.