A l’occasion de la journée nationale de la psychiatrie, mardi 22 janvier, quelques 250 personnes se sont rassemblées place de la République à Paris pour protester contre le manque de moyens au sein des hôpitaux et des différentes structures psychiatriques publiques. Psychologues, infirmiers, psychiatres, familles de patients ont tou·te·s scandé un même slogan : « la psy en sandwich ».
Des blouses blanches sous une neige immaculée. Malgré le froid mordant de ce mardi 22 janvier, plusieurs centaines de personnes ont répondu à l’appel de différents hôpitaux en lutte dans toute la France. L’objectif : alerter sur la « situation dramatique de la psychiatrie publique » et demander « davantage de moyens humains pour des soins plus humains ». Toutes et tous déplorent une gestion dramatique et managériale du secteur depuis plusieurs années. Les patients ne sont plus que des chiffres que l’on empile sur des lits et sur des tableaux Excel. Les soignants ne sont plus que des exécutants, accumulant les tâches et les responsabilités, alors que s’efface tout rapport relationnel avec leurs patients. Pierre est infirmier à l’hôpital Pierre Janet au Havre, un établissement en luttes depuis plusieurs mois, un combat inspiré par l’exemple de la mobilisation victorieuse menée pendant plus de cents jours par les personnels de l’hôpital Pinel à Amiens. Sur sa blouse, il a inscrit « Ni corvéables, ni sacrifiables » au feutre rouge. Un signal d’alarme : « Je suis là pour donner des soins et pour aider les patients à se réinsérer, maintenant j’ai l’impression de ne plus faire mon boulot. […] On est sacrifiés en permanence, et ça c’est plus possible ».
« On a des patients en souffrance et des soignants épuisés »
Élise s’est déplacée depuis Nantes, où elle exerce son métier d’infirmière à l’hôpital Saint-Jacques. Le constat est le même : le temps alloué aux personnes souffrantes est de plus en plus réduit, ce qui multiplie les incidents : « On a des patients en souffrance et des soignants épuisés. Un patient est revenu dans la structure avec un manche doté de lames et a agressé quatre soignantes. Ça marque, des choses comme ça ». À ce manque de moyens s’ajoute une répartition inégale de l’accès aux soins en fonction de l’emplacement géographique. Un constat dressé par Marie-Jeanne Richard, présidente de l’Unafam, une association qui représente les familles vivant avec des personnes présentant des troubles psychiques.
« Quand un patient arrive dans un hôpital psychiatrique, on lui fait une injonction de neuroleptiques »
Stefan Jaffrin est sociologue, spécialiste de la psychiatrie. Il milite pour l’application de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées au sein des structures hospitalières. « La contention, qui avait quasiment disparu il y a trente ans dans la psychiatrie française […] est de retour aujourd’hui, car l’hôpital est de plus en plus pauvre. On ne prend plus du tout le temps d’écouter le patient. Quand il arrive dans un hôpital psychiatrique, on lui fait une injonction de neuroleptiques […] et on le met en isolement pendant une semaine dans une chambre ».
Florissante d’initiatives, la foule présente se rassemble autour d’une même idée : celle d’un « printemps de la psychiatrie ». Pierre Paresys, psychiatre de secteur et vice-président de l’Union Syndicale de la Psychiatrie, fait partie des premiers signataires de cette tribune : « On a bien vu avec les Gilets Jaunes : il faut que l’expression populaire se manifeste […] cette expression radicale a fait beaucoup de bien aux gens, […] ils ne sont plus seuls en train de crever chez eux ». L’appel a été signé par différents syndicats, patients, familles de patients, psychiatres, praticiens hospitaliers et élus. Danielle Simonnet, conseillère de Paris pour la France Insoumise, était d’ailleurs des leurs pour abonder dans le sens des revendications. En attendant un printemps radieux et ensoleillé, il faudra combattre l’hiver glacial et austère, pour ne pas dire “austéritaire”, qui plombe aujourd’hui le ciel de la psychiatrie publique.
Un reportage de Léo Lefrancois