À Grenoble : l’Engrenage fermé, le quartier gentrifié ?

En moins de deux ans d’ouverture, il était devenu, à l’image de son slogan, le symbole d’une culture « métissée et populaire » à Grenoble, une ville toujours en manque de lieux alternatifs. Mercredi 7 Novembre, le bar associatif l’Engrenage a été fermé administrativement sur arrêté municipal. Une fermeture qui intervient alors que la mairie avance sur la réhabilitation du quartier. Un projet facteur de gentrification pour une partie des habitants. 

À Grenoble ce soir, tout est calme rue Jean Prévost. Pourtant depuis deux ans, au numéro 27 de la rue, le vendredi, c’est soirée Soundsystem au bar associatif l’Engrenage. On y croise des punks à chiens, des étudiant·e·s en quête de sensations, des cadres supérieurs, des artistes, des chomeur·euse·s, des gens au RSA… Tous les fêtards de Grenoble. Mais ce soir, rien. Pas un bruit.

L’Engrenage est fermé comme tous les soirs depuis le Mercredi 7 Novembre. « Fermeture administrative » a décidé la mairie. En pleine projection d’un documentaire sur la crise grecque, la police municipale débarque et met tout le monde dehors. Le local n’est pas aux normes. Résultat : le rideau est baissé, indéfiniment. Pour Riad, l’un des membres de l’équipe bénévole qui a fondé et géré le lieu, c’est une démarche « extrêmement brutale de la part de la mairie ». Il ajoute: « Une mairie comme celle de Grenoble (NDLR : écologiste) ne peut pas virer une association qui prône nos valeurs ».

Vue de la salle du bar l’Engrenage à Grenoble. Photographie : l’Engrenage

Ces valeurs sont la marque de fabrique de l’Engrenage, un lieu auto-géré qui accueille des concerts, des conférences, des projections, des cours de boxes ou de Zumba. Le tout « à prix libre et avec zéro subvention » lance Riad. À ses yeux l’Engrenage « c’est un lieu de réappropriation du pouvoir. En deux ans, on a redistribué plus de 15 000 euros aux associations du quartier. »

Fermeture et réaménagement du quartier

Cette fermeture administrative coïncide avec l’avancée du projet de réhabilitation du quartier. Pourtant, la mairie affirme qu’il « n’y a aucun rapport » entre les deux faits. Principal lieu concerné : le square de la place Saint-Bruno, lieu emblématique de ce quartier populaire. Dans ce jardin, selon l’heure de la journée, les enfants jouent ou les dealers dealent. Un condensé des contradictions de ce quartier populaire tout proche du centre ville réputé lui plus « bobo ».

Avec la réhabilitation, une partie des habitants craignent de voir Saint-Bruno devenir une annexe de « boboland », comme le nomme une habitante. C’est Lucille Lheureux, adjointe au maire en charge des espaces verts et de la nature qui porte le projet de réaménagement de la place. ‘« C’est normal que le changement fasse peur », admet-elle, « mais on mène depuis 2014 de nombreuses consultations et on a constaté une attente des habitants pour un meilleur cadre de vie ». Concernant la fermeture de l’Engrenage, l’élue l’affirme « la fermeture du bar s’est faite pour des questions de sécurité uniquement ». L’équipe du bar évoque plutôt une pétition contre le bruit lancée par des habitants arrivés récemment dans le quartier. Une initiative qui aurait poussé la mairie à agir. Face aux inquiétudes pour les structures alternatives du quartier, Lucille Lheureux se veut rassurante: « On ne vise pas la suppression de ces lieux, des endroits comme l’Engrenage, ils sont symboliques pour le quartier. Ça a du sens que ce genre de lieu reste ouvert mais dans les conditions nécessaires de sécurité ».

Message de soutien au bar l’Engrenage déployé au stade des Alpes par les ultras du GF38, le club de football de Grenoble. Photographie : l’Engrenage.

« On rentre dans un rapport de force avec la mairie »

L’équipe de l’Engrenage doit bientôt rencontrer les représentants de la mairie de Grenoble. L’objectif : parler de l’avenir. « Dans ce local, on ne peut pas répondre aux exigences de sécurité. Elle doit donc nous proposer un autre lieu pour exister » estime Riad. « On rentre dans un rapport de force avec la marie. » Pour soutenir cette lutte, des soirées de soutien au bar sont prévues et une pétition est disponible sur la page Facebook de l’Engrenage. Elle a réuni, à ce jour, plus de 3300 signatures.

 

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