Manifestation en soutien à Young Struggle, le 17 février 2025, Gare de l'Est. Photo par Philippe Grangeaud.

Face aux attaques néonazies à Paris, organiser la riposte antifasciste

Une vingtaine de militants d’extrême droite, armés de bouteilles et de couteaux, ont attaqué un événement organisé le dimanche 16 février par le collectif internationaliste antifasciste Young Struggle. L’action s’est déroulée à Paris dans les locaux de l’Association des Travailleurs Immigrés de la Turquie et du Kurdistan (l’ACTIT), dans le quartier de Strasbourg-Saint-Denis. Le lendemain, un rassemblement en solidarité aux militant·es est organisé. Un temps collectif nécessaire pour appeler à l’unité et organiser la résistance antifasciste à Paris et ailleurs.

 

Une attaque d’ampleur

Sur une vidéo amateure, une milice d’une trentaine d’hommes habillés en noir prend la fuite dans une rue de la capitale. L’un d’eux, au milieu de la course, cri distinctement « Paris est nazi ! Lyon est nazi aussi ! ». Une scène glaçante. Une deuxième vidéo publiée le lendemain sur les réseaux sociaux, témoigne des faits qui se sont déroulés juste avant la fuite. On y voit les images difficiles d’un jeune homme, Paul, militant à Young Struggle et à la CGT, passé à tabac par ces mêmes fascistes, armées de casque de motos, de bouteilles en verre. Le militant est à terre. Il est poignardé au dos et à la main, laissé au milieu de la cour du bâtiment du 10e arrondissement où la projection d’un film antifasciste devait avoir lieu. Un ordre est donné par l’un des agresseurs, et les fascistes quitte le lieu. Son pronostic vital momentanément engagé, le jeune militant est emmené à l’hôpital avant d’en sortir le lundi.

L’attaque est revendiquée par KOB, « Kop of Boulogne », comme en témoignent les stickers assénant : « KOB veille ». Aussi rassemblé au sein du groupe « jeunesse Boulogne », Kop of Boulogne est un groupe de hooligans d’extrême droite parisien. Deux groupes directement affiliés aux Zouaves Paris et au GUD (Groupe Union Défense). Ces deux organisations avaient pourtant été dissoutes respectivement en janvier 2022 et en juin 2024. Depuis le mercredi 19 février, cinq des six assaillants ont été placés sous contrôle judiciaire, le dernier incarcéré. Une enquête au parquet de Paris est ouverte. Selon Libération, les chefs d’accusation concernent la «participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations» et des «violences volontaires suivies d’ITT inférieure à huit jours» avec comme faits aggravant des “violences volontaires en réunion, avec armes et préméditation».

Sur leurs réseaux sociaux, Young Struggle ont appelé à un rassemblement le lundi 17 février en réponse à l’attaque subit par ses militantes, la veille. La projection du film Z, réalisé par Costa-Gavras, se tenait dans le cadre de la campagne « Lève-toi, résiste, détruis le fascisme ». Une campagne menée par le collectif et lancée partout en Europe pour faire front face à l’extrême droite gagnant partout du terrain, tant dans les urnes, que dans les rues.

Young Struggle, très vite après l’attaque subie, a rappelé : « Cette attaque nous rappelle l’urgence de la situation : le danger est bien réel et imminent. Ils avaient pour but de nous intimider, de nous décourager dans la poursuite de notre campagne antifasciste : nous n’avons jamais cédé et ne céderons jamais devant de telles attaques ! »

Résister, riposter, s’organiser

À Gare de l’Est, difficile d’atteindre le centre du rassemblement pour espérer écouter les prises de paroles. Beaucoup de militant·es ont répondus présent·es pour rendre visible leur soutien aux militant·es de Young Struggle. « Paris, Paris, Antifa ! » , résonne sur la place, de quoi se soulager collectivement le temps d’un slogan. Ce soir-là, les prises de paroles s’enchaînent rappelant la nécessitée d’une position de résistance claire et unie. « En tant qu’antifascistes, autant qu’antisionistes, nous insistons sur le fait qu’à chaque agression, il faut que toutes les communautés, tous les gens, quelle que soit leur origine, se mobilisent, et pas seulement les gens de la communauté qui est visée », interpelle Jean-Guy Greilsamer de l’Union Juive pour la Paix (UJFP). Il ajoute : « Si on est dans une logique de chacun pour notre communauté, c’est certain que les attaques vont continuer encore plus massivement ». Dans ce même état d’esprit, Abdoulaye, délégué du Collectif des Jeunes du Parc de Belleville, poursuit : « Il faut retenir qu’ils ne se sont pas juste attaqués à l’un des groupes antifa. Ils se sont attaqués à toutes les personnes qui militent contre la montée de l’extrême droite et le système capitaliste ».

Cette montée de l’extrême droite, d’autres en témoigne dans leurs quartiers et dans leurs facultés, où là encore l’heure est à la mobilisation. « La lutte antifasciste se vit tous les jours » interpelle un militants des Inverti·e·s. Une militante de Révolution Permanente poursuit : « On voit dans les universités à quel point les attaques s’amplifient [] ça s’inscrit aussi dans les universités avec une galvanisation de groupuscules d’extrême droite, mais aussi de l’UNI [N.D.L.R. Union nationale inter-universitaire] qui fait des saluts nazis et cherche à intimider les militant·s dans les facs. Face à cela, il y a de plus en plus de ripostes, c’est à partir de ça qu’on peut construire la mobilisation ». Tout au long de la semaine, les rassemblements en solidarité sont annoncés partout en France. Devant la gare, les fumigènes s’allument, nappant la place d’un épais voile rouge. Les drapeaux palestiniens sont brandis de concert avec les banderoles en soutien à Gino, militant antifasciste menacé d’extradition. Les slogans « Pas de fachos dans nos quartiers, pas de quartiers pour les fachos » sonnent particulièrement juste.

Au lendemain de la manifestation, Young Stuggle est venu s’exprimer sur l’attaque au cinéma Luminor à un événement organisé par le Collectif 1871. Face au public venu pour un film, un militant appelle à la nécessité que chacun·e s’empare collectivement de son autodéfense en s’organisant. Il ajoute qu’il n’y a rien à attendre du gouvernement. « Ce n’est pas sur l’État qu’on compte de notre côté pour mener notre lutte antifasciste. On compte sur une riposte populaire et antifasciste unitaire ». Et c’est Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, lui-même, qui leur donne raison. Deux jours après l’agression, ce dernier explique que le combat doit être mené : « Contre le fascisme, contre le nazisme, contre l’extrême droite… Aussi contre l’ultragauche ! ». Peut-être aurait-il mieux fallu pour Retailleau de garder le silence. Alors qu’une attaque d’une large ampleur est menée par un groupe d’extrême-droite, la gauche reste maintenue comme cible.

Loin de se laisser intimider, Young Struggle relance la projection du film Z de Costa-Gravas, empêchée par les néofascistes. Une projection est programmée le dimanche 23 février à 16 heures toujours dans les locaux de l’ACTIT. Le 22 février, une large mobilisation est organisée, au départ de la place de la République, à 14 heures.

Bertille Hyvon

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